Recevoir un nom, c'est forcément adhérer à une forme de malédiction. Peu importe laquelle. Nommée une chose et la soumettre au concept qui s'y rapporte, à l'histoire qui suit l'envolée sonore.. A la naissance d'un enfant, on se réjouit en silence chez les Meyrick. Lydia a tout  eu pour plaire dès qu'elle a vu le jour.  Cheveux flamboyants, annonçant très clairement sa prédisposition à la sorcellerie..  Dès le départ, les Meyrick eurent de très grands projets pour elle.  Adulée par sa mère, elle s'est très vite vu préférée aux autres bambins de sa fratrie. Mais comme eux, elle doit assurer l'héritage. Très tôt, on la dévoue à Satan et à ses rites païens. Très tôt, la pression s'impose. Chez eux, on ne crie pas. Chez eux, la colère reste froide, on berce les révoltes dans une indifférence dérangeante. Lydia a toujours respecté ce code tacite. Elle a toujours réalisé l'enjeu de sa position. Si elle a longtemps aimé pourtant être à cette place, continué à perpétrer les traditions familiales ancestrales, afin de devenir une parfaite nécromancienne, ses désirs supplantent peu à peu ceux de ses parents. Elle veut briller, elle veut dépasser le nom, se créer sa propre gloire, accomplir ses propres victoires. Et faire taire les mauvaises langues à commencer par celles de ses frères et sœurs.

Lydia ne s'intéresse pas aux autres. Aux humains qui ne possèdent pas le moindre don. Ils sont insipides à ses yeux. Elle pratique donc des expérimentations sur des proies faciles hors du cadre familial, sur ces êtres faibles et sans importance.. Expérimentations qui manquent plus d'une fois de la tuer dans cette ambition quasiment obsessionnelle. Adolescente, elle se laisse prendre à son propre jeu et s'entiche d'un garçon quelconque qu'elle comptait pourtant prendre pour proie. Il la détourne presque de son chemin satanique, la remet en question de sa seule normalité. C'est sa mère qui la force à mettre un terme à cette relation, elle l'oblige à rompre, à aller plus loin encore en lui demandant de tester ses dons sur lui, afin de lui nuire et de prouver qu'il ne signifie rien pour elle. Elle le rend aveugle sans le vouloir et décide de ne plus jamais l'approcher ensuite. Cette parcelle d'humanité qui l'a si brièvement attiré, s'étouffe dans la haine qu'elle nourrit à l'encontre de cette emprise maternelle de plus en plus oppressante, cette autorité à laquelle elle se plie par habitude.

Adulte, elle comprend qu'elle n'est qu'un outil pour sa génitrice, qu'elle affûte à sa guise. Cela semble d'autant plus vrai quand elle lui présente un homme. Un homme qu'elle se doit d'aimer rapidement, elle le comprend. Tous les signes sont là. Il n'est pas moche à regarder, il est même intelligent. Elle n'en tombe pas vraiment amoureuse mais son charisme naturel capte son attention. Ils sortent ensemble plusieurs fois. Et comme d'un accord tacite entre lui et sa mère, ils décident qu'ils se marieront. Lydia refuse mais personne ne l'écoute. Elle n'est personne finalement, elle qui a souhaité si ardemment être quelqu'un. Elle s'enfuit de la demeure familiale.  Mais après seulement une semaine, il la retrouve. Son prétendu fiancé tente de la raisonner, il est doué pour manipuler les mots. Elle lui rend même son baiser. Mais trop vite, ses mains remontent la jupe qu'elle porte; trop vite, il franchit les limites. Elle veut le repousser mais elle ne parvient pas à l'écarter. Il écrase sa bouche, l'empêche de proférer le moindre mot, la moindre incantation et la force à subir ses coups de reins. Après cet épisode, elle est assez brisée pour se laisser emporter. Il la ramène chez sa mère. Cette dernière ne pose aucune question. Elle ferme les yeux sur ce viol et décide de continuer sur le plan initialement prévu. Lydia ne mange plus et se laisse dépérir durant des jours avant que la nausée ne la tire du lit. Elle comprend en très peu de temps qu'elle est enceinte.

Cette nuit-là, la rage revient au centuple. Elle pratique un sombre rituel, se nourrissant du foetus pour condamner le père. Faible, elle ne parvient pourtant qu'à le plonger dans un coma éternel et sacrifie ainsi le bébé issu de leur  violente union. Sa mère comprend le manège, la trouve baignée dans le sang du foetus, atteinte quasiment de démence et la menace de mort pour sa désobéissance. Lydia quitte le foyer familial définitivement. Elle cherche alors la mort et d'une façon tellement humaine, qu'elle pourrait en mourir d'hilarité. Le long d'une berge, elle tombe pourtant sur un homme et il déjoue sans le vouloir ses plans. Cela fait deux ans maintenant. Sans ligne de conduite, elle se raccroche à tout ce qu'elle peut. Et tout ce qu'il reste, c'est ce désir de vengeance, resté intact. Elle continue d'améliorer ses talents, de s'immerger dans ses grimoires afin de trouver la bonne façon de riposter et de détruire l'existence de sa mère. Elle n'a plus que ça à l'esprit. Tandis que le coma étrange de son promis intrigue plus d'une personne et suscite beaucoup de questions chez ses proches, désireux de connaître la cause de cette soudaine catastrophe.