Sept ans - La pluie butte contre le bout de sa semelle élimée, rehaussant le marron harassé d’une pointe d’obscurité. L’ongle toise le plastique des lanières alors que le regard accuse la masse empressée. Les pneus ramassent les flots dans les rigoles, les habitacles cueillent les carcasses échouées sans la moindre distinction. En moins d’un quart d’heure, il ne reste que lui sur un rivage massacré par une colère divine. Naufragé par essence, il ne redresse le menton que pour insulter les cieux enragés. Sa bande dessinée se pare d’arabesques quand l’humidité a raison du récit, l’obligeant à revoir sa posture d’indigné. D’un soupir, il fait glisser le cartable au sol pour y plonger le papier brimé, comptant machinalement chaque trou dans le tissu. Encore deux minutes avant que l’enseignante ne détourne son attention. Encore 120 secondes avant de pouvoir fuir le bas-côté sans qu’elle ne puisse le constater. Il y a des fatalités que même les adultes ne peuvent endurer. Sa situation a tout d'une vieille mélodie qui grésille après sa millième écoute et elle dérange toujours aussi subtilement l'institutrice. Cette parade quotidienne entretient l'ennui. Rituel qui ne fléchit jamais et qui n'épuise que lui. Attendre au pied de l'absence, les bras comme offrande au vide apparent. Si elle se cantonne au déni, il s'offre à sa réalité. Aujourd'hui encore, Il ne viendra pas le chercher. Pourquoi s’occuper du gosse qui a fait fuir la dernière blondasse qu'Il ait pu se dénicher ? C’est un fait, une réalité aussi solide que le bitume qu’il écrase en courant comme un acharné avant d’être traqué. Plusieurs chemins se proposent au fugitif mais aucun ne semble être en mesure de le ramener à la maison. Un refuge, un foyer, une entité. Il n’est pas sûr de comprendre le concept, ni de vouloir remédier à cette lacune.

Treize ans - Les murs vierges lui renvoient le fond de sa rétine. L’anthracite assèche la pupille, les cendres s’éparpillent dans les poumons. L’amertume écume ses lèvres crevassées du mutisme pathologique à conserver. A l’étage, Il s’égosille et pour une fois, c’est l’allégresse qui supporte les notes hachées. La nouvelle chanceuse débute des vocalises similaires qui s’achèvent en échos distendus. Ils doivent déjà grimper au premier. L’opportunité revendique ses articulations, ça lui brûle les os et ça réanime le corps ankylosé par l’immobilité. Réduit au silence des damnés, voué à l’étouffement de sa seule existence pour pouvoir prétendre à la liberté volée à cette pénitence. Etre né Rowe. Avoir à porter son nom, un mauvais accident à un âge incertain, mauvais calcul à une heure chagrine. Séquelle d’une cuite, la gueule de bois qui ne passe jamais. Responsabilité qu’on accule au fond d’une cave, monstruosité à planquer sous le parquet, l’appendice dérangeant qu’on ne peut pas arracher des entrailles. Il déplace la poussière en allongeant son ombre sur le béton qui lui tient lieu de plancher. A chaque pas, ses chevilles buttent contre des corps étrangers, faits de verre, de plastique et parfois de métal. Ils  jonchent son sous-sol et apportent de nouvelles perspectives à cette médiocrité exacerbée par l’encre sanguine qui pulse à contre sens dans ses veines taries. Il remonte l’escalier avachi par l’épreuve de chaque passage empressé. La capuche retombe sur ses oreilles avant qu’il n’ait franchi le seuil. Toujours aucune direction pour aucun but. Seulement celui d’appartenir à la nuit.

Quinze ans – Elle apparait dans l’encadrement de la porte, deux sacs sous le bras et un carton aux pieds qu’elle balance dans l’entrée à coup de talons désespérés.  Encerclés par une lassitude familière, ses yeux témoignent d’une rancœur mâchée mais jamais absorbée. Elle n’a pas neuf ans. Elle est pas bien grosse, elle est pas bien vaillante mais elle comprend plus qu’elle ne parle. Peut-être qu’il a pitié. Peut-être qu’il s’en fiche. Son père ne porte pas encore l’alliance, ça ne fait pas encore d’eux des moitiés de frère et de sœur. Et puis, sa mère à elle, elle se range aux lignes tracées par le mépris du paternel, elle ajuste son ballet quotidien et chaque mouvement nourrit l’indifférence obligatoire à la cohabitation. Y a que cette môme pour le détailler. Cette gamine aux fringues trop larges et aux joues pétries par la douleur masquée dans la candeur. Elle ne revendique même pas son affection, elle ne demande rien, dispense à peine assez d’oxygène à ses poumons pour se tenir au creux des brèches. Au fond, elle espère tout pourtant. Elle a tiré les mêmes chances que lui à la naissance. Mauvaise main, mauvais mise. Et mauvais pari. Il ne veut pas qu’elle s’attache. Et il ne prévoit pas l’inverse.

Dix-sept ans - Minuit raisonne quand elle dévale les marches, poussée par les mains de l’ivrogne. La tête cogne la commode contre laquelle lui s’est assoupi, elle frappe plus fort encore son aorte. Il ne lui faut qu’un bond pour l’atteindre et pour assimiler la chute, ses causes et ses conséquences. L’autre là-haut, il s’en lasse de la gosse. Il n’a pas signé pour cette bouche supplémentaire qu'il faut gaver de faux sentiments, habiller d’illusions et couvrir de canulars. Il ne va plus faire d’effort avec elle. Elle a toujours su que ça arriverait. Consignée dans la cave d’Owain, monstre du nouveau cirque. Il ramasse ses larmes, ce frère qu’elle n’a pas voulu, ni choisi. Il l’abrite du coton poisseux contre lequel il se serre pour trouver un sommeil relatif et ne lui fait aucune promesse. Demain ne sera pas mieux.

Dix-neuf ans – Il envisage la rue parce que de toute façon, le toit fuit, il ploie sous la ribambelle de cris, de gifles qui se succèdent dans la fièvre d’une passion écroulée par l’habitude. Il s’invente une indépendance, une route sans pavés. Il la dessine jusqu’à briser sa mine sur le papier. Enchaîné à une loyauté forgée par les difficultés. S’il la laisse ici, elle va crever.

Vingt-un ans – La forêt les découpe. Toujours pas de solution. Toujours pas d’argent. Et toujours plus d’emmerdes. Les écorces n’apportent ni soupirs, ni sourires. Ils ne sont pas là pour croire à l’amélioration. Seulement, sa mère à elle s’est tirée sans l’emporter et il a fallu noyer la vision d'une absence par un jeu d'air. Elle n’a plus que lui. Leurs doigts s’entrainent, ils se crispent autour de l'autre. Jamais, ils ne posent des mots. Jamais, ils ne se plaignent. Il n’a rien à dire mais tout à découvrir. Et dans cette tragédie familiale, ils ont appris à comprendre qu’ils étaient deux. Pas la même hémoglobine, même plus attaché par un nom de famille. Seulement par les circonstances. Ils avancent pour se donner l'impression d'arriver. C'est là qu'ils croisent le Destin. Il la pousse quand la bête les débusque, il cherche à arrêter la créature, tombe et se fait mordre pour son audace. Un carrefour traversé à vitesse élevée, un virage raté. Et des débris par millier qui s'incruste dans les artères, à l'abri des regards, à l'abri de la conscience. Une vieille malédiction qui ne s'actionne que dans les choix à faire.

Vingt-cinq ans – Il est parti. Il est revenu. Un ressac entêtant pour une finalité déterminée. Elle doit le suivre. Briser la courbe pour définir de nouvelles obliques. Ils décident d’une date, elle choisit l’heure et il détermine le lieu. Sauf que l’autre refuse de la lâcher. Il croit encore que ça fera revenir la fuyarde, il croit que c’est sa seule option pour retrouver l’épouse envolée. Alors il s’interpose, il frappe, il menace et il la blesse. Le rouge évolue en immaculé, les tons basculent. Une détonation, Owain émerge. Le fusil de chasse entre les doigts, il allonge sa vision jusqu’à la balle qui est entrée et est ressortie par le bide de son bourreau de toujours. Les lèvres tremblent mais la main est plus sûre encore. Un second coup de feu. Entre les deux yeux et un dernier souffle pour le mourant. Son père se pare de lividité alors que la faucheuse l’éloigne de cette scène. Le fils offre sa main à la sœur qu’on lui a offert, qu’il a défendu jusqu’au meurtre. Elle la refuse, elle a peur. Elle le repousse, elle hurle à en défaire son pouls. Il voit alors le carnage. Il pue la mort. La sensation l’accompagne quand il quitte la demeure, quand il abandonne la seule qui compte et  qui le rejette sans plus d’avertissement. Il court jusqu’à disparaître. Il court jusqu’à oublier le chemin initial qu’il avait finalement trouvé. Son refuge, il vient de le brûler. Trois jours plus tard, son crime revient le frapper alors que la lune arrondit l’obscurité. Puni par un Dieu capricieux, qui l’a délaissé durant des décennies et qui se manifeste pour châtier ses méfaits. La souffrance est mémorable. Pas les actes. Loup parmi les loups, loup parmi les hommes. Il est marqué au fer. Il est définitivement assorti à l’image forgée par toutes ces années.

Trente ans – Après l’exil dans ces régions désertées par l’humanité, après l’errance jusqu’à la perte, la civilisation le recueille à nouveau. Mais l’animal l’isole perpétuellement. Il faut trouver des méthodes pour contrer le danger, pour assouplir la souffrance. Il teste tous les breuvages, il s’approprie toutes les drogues. C’est là que sa dépendance débute. La morphine n’écrase pas l’animal, elle assomme l’humain et sa culpabilité. Il se l’injecte jusqu’à perdre connaissance.

Trente-six ans – Il la rencontre au bout d’une berge, elle est prête à se jeter. Elle lui donne un nom et des indices. Ils se trouvent, ils se perdent. C’est une répétition malsaine. Une course charnelle qui s’achève dans un vide qu’ils ne comblent pas. Ils ignorent le passé, ils crachent sur le futur et ils déchirent le présent. Ils détruisent la raison, ils abolissent le temps. Ils se font du mal, ils se rabibochent. Ils saignent et se déconstruisent jusqu’à la prochaine faiblesse. Ils se supportent dans la douleur. Ils s’aiment dans la laideur. Et ils s’écartent dans la lumière. C’est un schéma déjà conquis. C’est une histoire jamais acquise. C’est un récit atrophié qui devient un cycle aguicheur et qui le soumet à ses instincts primaires.

Trente-huit ans – Il la cherche sans vouloir la trouver. Sa protégée. Après treize ans de silence et d’absence, il ne rêve pas de pardon. Seulement d’un réconfort immérité après que le crépuscule ait balayé l’ambre, qu'il sache qu’elle respire encore. Et puis, il y a ces autres nuits, où il quitte la ville pour éviter le massacre. Et où l’amnésie le surprend. Trainée de cadavres qui atteste de la violence de ses oublis, de cette monstruosité qui a éclot pour ne jamais le quitter. Premier acteur dans la malédiction et pourtant, pas seul fautif. Si quelqu’un tire les ficelles, si quelqu’un veut le rappeler à ses côtés, qu’il réfléchisse d’abord à ce qu’il a engendré. Et qu’il fasse en sorte que ça change.

J'en perds mes mots par tant d'intensité dans ta fiche, enfin je ne pourrais pas te dire tout ce que j'ai ressenti parce qu'il y en a de trop mais une chose : c'est que je suis déjà follement attachée au petit Owain. De sa vie pourrie, l'enfant qu'il était (j'ai juste eu envie de le prendre dans mes bras et de ne plus le laisser partir ), le lien avec sa petite soeur et celui de l'amour passionné J'ai adoré ta fiche, je crois qu'il n'y a pas d'autre terme là. Parce que tu as exploité Owain en nuance, qu'il est maintenant pris dans la malédiction (c'est pas bien la drogue pour s'en sortir ). Je pourrai continuer comme ça encore longtemps, des pages et des pages. Mais je vais m'arrêter parce qu'un petit blabla vaut mieux qu'un énorme où on dit tout et après on a rien à dire.
Par contre j'exige le stock total : lien + rp

Félicitations, tu es validé(e). Avant de franchir les portes de l'Enfer, voici quelques conseils qui pourront t'aider à survivre. D'abord, il te faut VÉRIFIER TON AVATAR DANS LE BOTTIN pour avoir la certitude qu'aucun double, maléfique ou bénéfique, ne vienne te voler ton visage. Ensuite, tu peux aller CRÉER TA FICHE DE LIENS ET DE RPS afin de ne pas terminer en âme noire et solitaire. Pour ce faire, tu peux aussi CRÉER UN SCÉNARIO et peut-être retrouver un visage de ton histoire, une personne avec qui survivre et mourir dans ce chaos. Enfin, si tu veux te détendre et oublier les sombres mémoires du passé, tu peux aller FLOODER avec les autres villageois de Crimson Peak. Mais n'oublie pas, il faut toujours se méfier de son voisin, ici. Alors, bon courage et bon jeu.