De la neige jusqu’aux genoux, l’homme lutte pour rejoindre le village. Surpris par une tempête de neige alors qu’il était parti chasser le renne, voilà trois jours qu’il erre au beau milieu de nulle part. Ses compagnons de chasse sont morts un à uns. Il a dû les laisser derrière lui. Sa mère et ses deux sœurs ainsi que les deux plus jeunes de ses frères sont restés au village. Son cadet Björn est mort de froid, tout comme son père Einar. Trois autres hommes du village ont fini par mourir d’épuisement. Doucement à son tour, assailli par le froid le brulant jusqu’à la moelle, Erlendur sait qu’il est le prochain sur la liste. Sa vue se trouble, son corps faiblit. Au loin, au milieu des lourds flocons il aperçoit une silhouette encapuchonnée toute vêtue de noir, se déplaçant avec une incroyable aisance malgré le bon mètre de neige. Il se rappelle des sermons du prête de l’église, se rappelle avoir discuté de la mort avec lui au catéchisme. Une grande silhouette vêtue de noir munie d’une faux pour s’emparer de l’âme de ces pauvres gens. Il ne s’est pas confessé depuis si longtemps. Son âme est sans doute condamné à l’enfer, pour avoir commis le pêché de la chaire avec la fille d’un pêcheur la semaine dernière. Au moins, les flammes le réchaufferont et il ne souffrira plus du froid une fois là-bas. Résigné, sachant qu’il n’atteindra jamais les siens malgré ses efforts,  il se laisse à son tour tomber à terre. La mort s’approche doucement à pas feutrés vers lui, il peut entendre la neige crisser sous ses pas. Bien décidé à ne pas mourir en lâche, il observe le visage de la grande faucheuse. C’est une très belle femme, avec de longs cheveux blonds et des yeux bleus. Sa peau est pâle, même pour une Islandaise. Pâle, comme celle d’une morte. Pourtant, sa beauté est transcendante. « Tu est enfin venue pour moi ? » L’articulation est difficile. Puisant dans ses dernières réserves d’énergie, voilà qu’il lève la main pour caresser la joue de cette sublime mais mortelle créature. « Tu vas m’emmener en enfer n’est-ce pas ? Au moins il fait chaud là-bas. »

Un cri de douleur transperce la nuit. Un liquide carmin vient tacher le Manteau blanc de l’hiver, tout comme les lèvres de cette femme. La mort ? Pourquoi faire, lorsque l’on peut accéder à la vie éternelle ?...