L'éclat d'ivoire dans l'ombre, souffle ardent. LE CHASSEUR.
L'éclat paranoïde dans l'œil, halètements. LA PROIE.

La lutte pour la survie – la faim qui entaille, l'effroi qui tenaille. Le martèlement du cœur, le martèlement des pas. Fuite. Course parmi les ténèbres ; les étocs perfides accrochent les habits, la précipitation étiole la précision. Alors, les gestes sont gauches, maladroits, les genoux tremblent et heurtent le sol dans un bruit sourd – comme un coup de marteau dans un tribunal, comme une condamnation à mort. Rire dément. Les tympans saignent, la gorge ruisselle.

Elle a le visage diaphane et figé comme un masque de marbre – un masque qui ne s'effrite que lorsque ses crocs luisent au clair de lune. Pureté, douceur, candeur, troquées contre la noirceur et la hargne à l'appel du sang. Mensonge. La haine et la terreur des hommes remontent à loin.
Année après année, le temps sculpte donc sans pétrir sa chair. L'instinct de survie amène la ruse et la méfiance, la peur de mort incube les angoisses tandis que le charnier de ses amours la tourmente. Bien. La tristesse se conjugue avec la morosité ; le replis dans son monde de solitude semblait inéluctable. Oui, petit à petit, l'importance décline au profit de l'indifférence. Qu'est-ce que la vie ? Qu'est-ce que la mort ? Qu'est-ce que l'amour ? Des foutaises. Ce n'est rien, alors Zillah s'est attachée à cette pensée. Dans ses yeux sombres, il ne brille qu'un amour ardent et intact pour son Créateur. Pas de ces amours niais à en crever où l'on se promet l'éternité au-delà de la mort, mais de cette fidélite propre au père et à la fille, de cette obéissance marquée par le sang commun. Elle lui tient tête parfois dans toute son arrogance, elle courbe l'échine car elle est une bonne enfant – obligation. Il lui a octroyé son seul et dernier plaisir ; la chasse après les sourires doux derrière l'ambre du whisky. La poursuite effrénée pour couvrir les cris de son linceul.

Le goût amère sur la langue âpre, la brûlure le long de la gorge, jadis privés par la Prohibition. L'alcool n'a plus de saveur, l'ivresse est utopique, mais il y a dans ses reflets chauds de rares souvenirs encore incandescents. C'est comme l'éther et ses relents hypnotiques. Charlie rangeait toujours les bouteilles en hauteur pour que ses petites mains potelées ne les atteignent pas. + L'aura oppressante, telle une ombre projetée dans la pièce sitôt la porte passée. Les yeux un peu fous, ou un peu trop sombres pour être innocents. Le met préféré de Zillah. Le sang appelle le sang. Ceux qui tuent sont tués, non par soucis de justice, mais par envie de vengeance + L'œil humide, la moue boudeuse. L'œil écarquillé, la bouche ouverte. Les masques se revêtent l'un après l'autre, son jeu d'acteur s'aiguise chaque année : sa seule arme, sa seule chance de survie. + Savoir, c'est pouvoir ; avide de connaissances et dévoreuse d'encyclopédies, Zillah ne peut se permettre d'ignorer une chose si celle-ci la menace. Même les choses futiles l'obsèdent. + Les mots s'alignent et certains se répétent en bout de phrase. Hein. Putain. Bordel, elle les ajoute souvent au grand dam de ses interlocuteurs.