Joël s’était assit dans le salon et feuilletait, nostalgique, les vieux albums photos qu’il avait trouvé dans l’ancien bureau de son père. Les souvenirs lui revenaient sans qu’il tente de les repousser. Ces souvenirs étaient des souvenirs d’une famille heureuse et d’autres lui rappelait à chaque fois qu’ils avaient réussi à prendre le dessus sur ce qu’il s’était passé. Même si ces derniers étaient moins souvent présents - surtout parce qu’il avait décidé de rester et eux non - leur famille ne lui avait jamais semblé aussi soudée aujourd’hui. Et pourtant avant d’être trois, de surmonter tout ça, ils avaient été deux et puis rapidement trois. Les photographies du mariage lui renvoyaient une image de paix et de bonheur malgré le ventre rond qui ne devait pas être chose commune à l’époque. L’ouverture d’esprit dont ils avaient toujours fait preuve les avait aidé à surmonter les épreuves et les commentaires qu’ils n’avaient jamais écoutés. « Cette harpie de Bianca. » La sœur aînée de son père. « Ne voulait pas de ce mariage. C’était … contre les coutumes de se marier tout en étant enceinte. ‘Dieu’ ne l’aurait pas approuvé. » Elle le lui avait raconté quand il lui avait demandé de voir ces mêmes images avec elle. Il le faisait seul aujourd’hui et la même réaction vint dans son esprit en buvant une gorgée du liquide ambré. ‘C’est ça et Marie n’était peut-être pas déjà enceinte en se mariant à Joseph ?’ Il fallut l’accord du beau-père mais fort heureusement la famille Sandford n’était pas forcément la famille la plus religieuse qui soit. Tous avaient finalement l’air d’être heureux, même cette Bianca. Il n’y avait pas d’ombre dans le tableau, pas de regards lourds de sous-entendus à peine cachés ou de sourire étranges avec lequel l’on ne savait pas sur quel pied danser, ces sourires qu’il avait souvent eut lors de son adolescence. Message de demande d’aide, de désespoir qui ne furent compris que trop tard. Depuis Joël savait déceler le vrai du faux dans une expression ou du moins, se disait savoir déchiffrer même le visage le plus dénudé d'expression – du moins, la plupart du temps - et là, sauf si certains d’entre eux étaient plus menteurs que les démons eux-mêmes, il pensait qu'ils avaient trouvé leur compte dans ce mariage finalement approuvé par tous.

La page se tourne, l’histoire continue. Ils sont trois. Joël se souvient avoir voulu un petit frère ou une petite sœur mais c’est pas lui qui décide de ces choses-là et parfois même les parents ne le décident pas. Ils resteront trois jusqu’au bout. Ils deviendront quatre sans qu'ils ne le découvrent pendant un moment mais cela, c’est une autre histoire. L’enfance est agréable et parce qu’ils sont de grands voyageurs, ses parents l’emmènent. Ils ont vu Paris, Rome, Londres. Joël a préféré Rome même s’il ne s’en souvient pas. Il se souvient de la chaleur et de la piscine de l’hôtel dans laquelle il aimait se baigner, se prélasser et se dire que la vie était belle sans penser au lendemain. Parce qu’il lui on apprit ça, à ne pas trop réfléchir, à vivre tout simplement sans pour autant transgresser les limites que l’on se donne. A quinze ans, pourtant, il n’a pas de limite, ne veut pas s’en donner. Il fait attention, sans être un grand timide, il reste maladroit avec les gens, avec les filles de son âge, surtout. Et les garçons ? Il n’y pense pas. C’est avec eux, pourtant, qu’il passe le plus clair de son temps mais il est bien loin de penser à ces choses-là, de penser qu’elles existent tout simplement. Ils sont des amis qu’il connait depuis presque le jardin d’enfants. Certains sont croyants d’autres non. Joël a la facilité de bien s’entendre avec tout le monde sans faire attention à leur croyance, leur provenance. Il le sait, certaines familles ne sont pas aussi ouvertes que la sienne mais il s’en fiche. Ceux qui les dénigrent ne sont pas intéressants, il ne perd rien à aller voir ailleurs et cela a toujours été ainsi. Il y a eu des disputes, des bagarres, de la  jalousie mais d’humeur plutôt diplomate lorsqu’il était plus jeune, cela ne durait jamais bien longtemps et Joël s’en allait l’air désintéressé en haussant des épaules lorsque cela devenait ennuyant et tout devenait ennuyant à cet âge. C’est qu’il avait besoin de renouveau, le Joël, toujours pour capter son intérêt.  

L’intérêt il le trouva vers ses seize ans. Quelque chose ne tournait pas rond sans qu’il en connaisse la raison. Il avait plus facilement mal à la tête, s’énervait plus facilement et tout aurait été pour le mieux si la voix n’avait pas commencé à s’insinuer dans sa tête, dans son … âme ? Son caractère était différent mais entendre des voix était tout autre chose. Pendant plusieurs semaines, seuls les maux de têtes furent les indices qu’il ne pu cacher à ses parents. Ils n’étaient pas absents et Joël n’avait jamais cherché à les fuir. Et, tout d’abord, Joël pensa qu’il passait tout simplement un cap que des crétins avaient appelés l’adolescence. La voix, insistante, insidieuse, incessante était peut-être la conséquence de cette phase qu’il devait passer. C’était normal qu’il veuille essayer des choses d’adultes, d’adolescents, qu’il veuille découvrir et qu’au-delà de ne faire qu’écouter cette voix dans sa tête, cette dernière décide d’agir à sa place, prenait petit à petit le contrôle de son corps et de ses envies. Il n’avait rien dit pour paraitre normal car après tout entendre une voix dans sa tête ne ressemblait en rien à ce que l’on pouvait appeler la normalité même s’il avait quelques soucis avec ce terme. C’était quoi la normalité ? A quel stade pouvait-on dire que quelqu’un n’était pas normal ? C’était tellement subjectif comme idée. S’il était devenu hyperactif et tactile était-ce anormal ? S’il avait envie de savoir si embrasser un garçon procurait les mêmes sensations que d’embrasser une fille, l’était-ce également ? Avait-il mangé de la terre, parlé d’une voix différente ? C’était des délires d’adolescents disaient certains et sa voix n’était que le reflet d’une voix d’un adolescent qui devient homme. C’était tout, il n’y avait jamais de quoi s’inquiéter même s’il devenait différent. Avait-il dit des obscénités au docteur venu établir son profil ? Le démon s’était montré plus malin que ça, depuis combien de temps volait-il ces âmes qui n’avaient rien demandé ? Avait-il compris les rouages du système pour ne pas se faire repérer ? Possible. Et même la maigreur apparente sur certaines photographies de l’époque n’avait pas suffit à ce qu’ils s’inquiètent.

Pan contrôlait tout.

La tête sur les genoux, les doigts entremêlés dans ses cheveux bouclés, Joël repartait dans des souvenirs douloureux, intenses, plein de remises en question. Les démons vous changeaient et en avaient pleinement conscience. Ils s’en délectaient, s’en amusaient. A l’époque, Joël ne croyait en rien. Il ne croyait pas en Dieu, au Diable, aux démons. Rien de tout cela. Il croyait juste en la science, en l’Homme et même cela, aujourd’hui, il doutait. Pouvait-il encore croire en l’Homme, petit être si facilement manipulable par des puissances plus fortes que lui ? Encore aujourd’hui il aimait croire en la science plus que tout même s’il croyait aussi en Dieu comme au Diable, comme à tous ces autres qui pouvaient exister. Mais la science avait été sa toute première croyance. C’était tangible, réel, vérifiable. Il n’y avait pas de contre-sens. La gravité était tangible, toutes les théories étaient réelles, vraies. Parfois fausses mais vite corrigées. Comment avaient-ils pu croire que la terre était plate ? Comment avait-il pu nier que la voix dans sa tête était l’œuvre du démon triturant ses pensées pour en faire ce qu’il voulait, agir comme il le voulait sans qu’il pense qu’il s’agisse de quelqu’un d’autre qui prenait les commandes ?

Après les légendes des monstres des lacs d’Ecosse, voilà qu’on taisait des légendes qui n’en étaient pas. Une poignée de personnes était au courant de l’existence des démons et pourtant les hôtes de ces derniers se retrouvaient toujours intensément surpris et déboussolés par leur présence. Déboussolés, transformés, cassés. Joël  avait eu beaucoup de mal en étudiant les livres de théologie. L’un des auteurs de ces livres poussiéreux avait-il vécu ce par quoi beaucoup d’entre eux étaient passés, se doutait-il un instant des ravages qu’une telle possession produisaient ? Ils n’en avaient qu’une faible idée, parlaient avec le détachement de celui qui détient le savoir sans le vécu et l’anglais, tout en étant un étudiant acharné, se retrouvait blasé par tous ces bien-pensants qui, au fond, ne savaient rien.

Dans toutes les preuves plus ou moins tangibles qu'on leur apportait pour leurs études, Joël ne s’y retrouvait pas. Après l’exorcisme, tout était fini. Joël referma l’album en soupirant. Ils avaient tord. Dans chaque histoire, il y avait un début, un milieu et une fin. Eux n’étaient arrivés qu’au milieu de l’histoire et ne se prenaient pas la tête avec cette fin que les sujets de cette expérience démoniaque devaient construire seuls avec leurs failles, leurs doutes mais également leur force de vouloir s’en sortir. C’est pourquoi il était là, souriant face à la dernière photo qu'il avait enlevé du livre. Elle datait d'il y a deux trois mois, il venait tout juste de terminer ses cinq années d'études et n'avait pas assisté à d'autres exorcismes que le sien. Il était différent: sa tête était haute, le regard franc, il n'était plus cet être maigre sans forme avec lequel Pan s'était amusé.

Cela avait pris du temps pour qu’il s’en remette et peut-être avouerait-il plus tard qu’il ne s’en était jamais totalement remis mais à force d’expériences, d’objectifs qu’il s’était fixé et avaient réalisé, il avait fini par aller mieux. Il avait remis le compteur à zéro pour revenir sur de bonnes bases,sauté pieds joint dans une relation stable qui s'était malheureusement mal terminée. Il apprenait à avancer en prenant en compte le positif comme le négatif et en faisait le bilan. La vie active n’était pas pour lui, pas totalement. Il avait même travaillé trois ans chez la fleuriste mais sentait qu’il était fait pour autre chose même s’il l’aidait encore de temps à autre aujourd’hui. Il était fait pour aider ceux qui avaient parcouru le même chemin que lui, cette même emprise, déchéance du corps et de l’esprit. Et tout en voulant devenir exorciste, il y avait ce frisson d’appréhension qui l’enveloppait. Les craquements, cette voix d’outre-tombe, ce corps que l’on manipule sans vergogne. Il craignait que démon revienne terminer ce qu’il avait commencé, clôturer l’épilogue à sa place.

Il s'empara du chapelet dans sa poche qu'il avait reçu quelques semaines plus tôt lors de la cérémonie et tremblait encore au souvenir de l'exorcisme suivit deux jours plus tôt en tant qu'assistant. Il ne se sentait pas prêt. Cette porte de son esprit n'était pas fermée. Elle restait entre ouverte à jamais, comme pour l'inviter à revenir. Il ferma les yeux et respira profondément et récita ses prières jusqu'à ce que les tremblements cessent. Un pied dans l'Eglise, l'autre dans la vie active. Il avait besoin des deux pour oublier et penser un peu à lui, pour tirer le trait, terminer son histoire avant que Pan ne le fasse.


 

Tu as le droit de me frapper pour le temps d'attente (mais pas trop fort s'il te plait )
Que dire de ce merveilleux personnage ? Que je plussoie à 1000% ce qu'Alan dit, ça en valait la peine d'attendre que tu termines ta fiche (ce fléau les fiches quand même ). Et.... j'ai tellement hâte de lire vos rps ! Je tenais à dire aussi que tu as su rendre Joel totalement vivant, plein de faiblesse mais avec une force de caractère, la force du survivant et c'est rare d'arriver à faire ressentir ça. Franchement je suis fascinée par ce que tu as réussi à faire passer rien que dans des mots. Les portes sont grandes ouvertes pour toi maintenant

Félicitations, tu es validé(e). Avant de franchir les portes de l'Enfer, voici quelques conseils qui pourront t'aider à survivre. D'abord, il te faut VÉRIFIER TON AVATAR DANS LE BOTTIN pour avoir la certitude qu'aucun double, maléfique ou bénéfique, ne vienne te voler ton visage. Ensuite, tu peux aller CRÉER TA FICHE DE LIENS ET DE RPS afin de ne pas terminer en âme noire et solitaire. Pour ce faire, tu peux aussi CRÉER UN SCÉNARIO et peut-être retrouver un visage de ton histoire, une personne avec qui survivre et mourir dans ce chaos. Enfin, si tu veux te détendre et oublier les sombres mémoires du passé, tu peux aller FLOODER avec les autres villageois de Crimson Peak. Mais n'oublie pas, il faut toujours se méfier de son voisin, ici. Alors, bon courage et bon jeu.