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 You are me - Morghann

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Howard Meyrick

‹ MESSAGES : 109
‹ DATE D'ARRIVÉE : 02/08/2015
‹ L'ENDROIT : Entre ciel et terre, dans les ombres d'une guerre imminente, et silencieuse

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MessageSujet: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyMer 26 Aoû - 23:55

You are me
“Si la liberté grise, la famille rassure.”


Crissement des pneus sur le gravier de l’allée, bruit discret accompagnant le très léger ronronnement du moteur dans l’habitacle, tandis que la voiture se garait devant le grand escalier. Son regard se tournait vers la vitre, observant, tandis que, distraitement, presque s’en le remarquer, de sa canne il jouait. D’une main à l’autre, penchée, rattrapée puis renvoyée. Un geste presque distrait, un geste simple qui lui occupait les mains et palliait, même brièvement, même faiblement, à son inertie. S’il aimait le silence et le calme, il se découvrait pourtant parfois une légère réticence à cette inertie, préférant tout de même avoir quelque chose pour s’occuper les mains. Sans doute une réaction normale, en sa situation, il lui fallait pouvoir se défaire de la tension, de la pression. Sans doute aussi avait-il besoin de se sentir encore en vie. Même si pareil tic semblait, en un sens, bien vain. Et sans doute également un peu étrange, qu’un homme, un sorcier tel que lui, ayant besoin de se sentir en vie, de se sentir exister physiquement ? Oui, sans doute était-ce un peu étrange, un peu aberrant. Sans doute était-ce aussi instinctif… et quoi qu’il renâcle à l’avouer, humain, ce qu’il était après tout. Un humain au corps brisé, qui ne pouvait ni courir ni sauter, condamné à ce calme qu’il avait fini par affectionner, envers et contre tout. Oui, parfois, il aurait voulu vibrer, aux impulsions céder, sans crainte de cette douleur terrible qu’il ressentait. En un sens, il était, de son propre corps le prisonnier. Fort heureusement, c’était un abattement passager, car s’il ne l’était pas, continuer d’avancer aurait été autrement plus compliqué. Oui, c’était un mal être éphémère, et fort heureusement.

Et d’ailleurs, alors que le véhicule s’immobilisait, il put enfin se secouer. Alors que la porte s’ouvrait, il se redressa légèrement, une articulation protestant se faisant, et se tourna de sorte à poser la canne à terre avant de s’extraire. Pied gauche d’abord, son visage se fendant d’un léger rictus, rapidement envolé, preuve néanmoins de l’inconfort que tout cela lui coûtait. Ironique quand on y pensait, qu’un si éminent nécromant et scientifique se trouve incommodé par de si petits gestes, des gestes du quotidien, auquel personne ne pensait. Chacun sa croix. Et alors qu’il quittait, enfin, l’habitacle qui l’avait entouré, il inspira profondément l’air fraîchi par la pluie et laissa son regard s’égarer sur les alentours illuminés. La mi-journée, une averse passagère qui laissait les lieux comme purifiés, lavés par l’eau céleste tombée. Un bref instant, il se sentit soulagé, exactement comme il avait pu se sentir l’être lorsqu’il décidait une balade en forêt, quand il avait la force d‘en effectuer une.  Pourtant, c’était un soulagement, une légèreté du corps soudaine, qui se dissipa rapidement, à sa grande infortune très certainement. Mais son esprit était, alors, bien trop occupé par ce qui lui apparaissait pour se soucier du reste, de ces réactions purement physiologiques qu’il subissait sous l’effet de ce qui n’avait d’autre nom que la tension. Elles étaient pourtant là, poids sur le torse, le contraignant, soudaine difficulté à respirer, tremblement des doigts, infime mais bien présent… Son souffle s’écourtant instantanément lorsqu’il reconnait les effets. Aux pieds des marches, les valises étaient…

«  Non » La négation lui échappe, s’étrangle sourdement dans sa gorge nouée. Il reste un moment figé, continuant d’observer les malles, semblant soudain pétrifié. Ses traits se tendaient, impassible de prime abord, et pourtant subtilement expressifs, dans leur tension justement, dans la ligne soudain durcie de la mâchoire, le pli amer de la lippe et l’arc des sourcils, foudres noires sur fond ivoire. Il n’osait pas comprendre, tout en l’ayant déjà fait, et à la joie instinctive la colère se mêlait. Une colère qui enflait, sous la certitude qu’on lui avait désobéit. Morghann était revenu, avait quitté leur retraite d’exilés pour venir se perdre dans ce panier de serpents, pourquoi ? Par tous les enfers, pourquoi avait-il fait cela ?! Oui, la colère grondait, vibrait en lui comme un volcan attendant l’éruption, et pourtant la frustration n’était pas le seul fluide qui alimentait le moteur de cette ire qu’il devinait déjà sans bornes, sans domination. Oh c’était-là son épicentre, certainement, comme un chœur grondant qui ressassait inlassablement des phrases sèches et hachées, précises. Il n’est pas resté. Il est revenu. Je lui avais dit de rester là-bas, je lui avais demandé de s’y tenir…C’était presque un cantique, dans son besoin de se rappeler les faits, une litanie intérieure et aveuglée. Une litanie qui dissimulait plus que de l’agressivité. Une litanie qui dissimulait une angoisse viscérale qu’il ne savait pas maîtriser et qui le rongeait à présent. La maîtrise d’une émotion venait de l’habitude que l’on avait d’elle, du moins était-ce qu’il pensait, et il était vrai que ce n’était pas la peur qui lui tenait souvent compagnie.

« Non » Peut-être aurait-il dû s’y intéresser de plus près. Alors qu’il restait là, figé, l’angoisse se fit plus présente, le tenaillant comme des griffes acérées. Dans un sursaut, tel un naufragé sortant la tête de l’eau, dans l’espoir d’aspirer avidement un peu d’air, il sursauta légèrement, ses épaules tressautant avant qu’il n’empoigne sa canne à s’en faire blanchir les jointures, et ne se dirige d’un pas précipité vers l’entrée. Son cœur tambourinait si fort, que chaque battement lui semblait capable d’arracher l’organe à sa cage thoracique, lui semblait vibrer en lui, comme un gong. Oublieux du soin qu’il devait apporter à son corps éprouvé, il se brusquait, accentuant son claudiquement et ponctuant ses pas du bruit sec du bout de métal frappant contre la pierre puis le marbre. En lui, la tempête se poursuivait, gagnant encore en force tandis que, lentement, l’angoisse devenait frayeur, puis peur, puis horreur et atteignit enfin son pinacle en une vivace épouvante qui le prit tant à la gorge qu’il crut en suffoquer. Atteint d’une sueur froide qui le glaçait, il essayait de ne pas trembler alors qu’il traversait le hall, montait l’escalier en serrant les dents… et vacillait, soudain agressé par la douleur, qu’il dû laisser passer en refusant de s’affaler, de se courber, raidit comme un piquet. Et cet instant maudit lui fut suffisant pour se torturer intérieurement, se déchirant du sentiment de trahison qui lui insufflait le fiel et la démangeaison. Celle de hurler et de cracher son venin en quantité, de le blesser… Désir injustifié, peut-être, mais qui le torturait.

« Non, non, non » Sifflements bas, presque crachés, entre deux crissements de dents. Il en veut à Morghann, terriblement. Et pourtant, en lui s’entrechoquent bien des sentiments, tant la fébrilité que la surprise, la curiosité et insouciance de ce qui ne les concernait pas…Tenant à son frère plus qu’à tout autre membre de sa famille, voulant sa sûreté, voulant le voir épanoui et hors de portée, voulant aussi le voir l’écouter, lui obéir… Pourquoi était-il là, pourquoi ne pouvait-il simplement s’en tenir à… Cette simple idée l’insupportait au point qu’il avait l’impression de pouvoir exploser. Sa marche reprenant, devant la porte arrivant et la porte manquant voler tandis qu’il l’ouvrait d’un geste brusque. «   Morghann ! » Appel rude et rauque d’émotions, au ton bas et sombre, vibrant. Éclat si hors de caractère, pour un Meyrick, du serviteur un regard lui attirant. Mais Howard s’en moque, trop affecté et focalisé. Son frère est en danger, pourquoi devrait-il, à autre chose penser. Il s’arrête de nouveau, l’observe, yeux dans les yeux, face à ce reflet de lui-même… Milles questionnements, dans son regard, dans ses prunelles algides qui luisent de désillusion, d’incompréhension et de cette trahison qui l’insupporte. Il ouvre la bouche, esquisse des mots durs et sévères, une agression sans concessions, et par réflexe, tend à s’avancer, à se rapprocher, voulant le secouer, le toucher, le frapper, le caresser, le…

Et sur l’encadrement au sol, trébuche et s’effondre dans un sourd juron.  

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Morghann Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyJeu 27 Aoû - 16:58

L'incompréhension le cahotait et le suppliciait. Voilà trois jours qu'on avait extrait les corps sans vie de son foyer hors de son salon où il se barricadait. Il n'avait prévenu personne, dans sa propre famille. Voilà des années qu'il avait faussé compagnie à Crimson Peak et qu'il avait morcelé chacun des liens qui avait pu se forger dans son enfance. Sa famille était-elle seulement avertie de son mariage ? Avait-elle été prévenue de la naissance de son fils trois années plus tôt ? Non. Bien sûr que non. Directives gémellaires auxquelles il s'était plié et qui aujourd'hui le laissait ployer sous le joug du grand néant. Il ignorait tout de ce qu'ils étaient devenus, tous, chacun des Meyrick. Il n'avait prévenu personne, pas même son frère. Il aurait pu, quelques secondes, il s'était surpris en train de composer son numéro avant de lâcher l'appareil et de se laisser choir dans le canapé. Howard l'avait abandonné. Il ne reviendrait pas pour le prendre dans ses bras et le réconforter. Quand bien même, Morghann avait bien trop de fierté pour le lui quémander et bien trop d’insurrection pour revenir vers lui comme un chien battu. Les jours s'écoulaient sans qu'il ne sache s'il était bercé par le soleil ou la lune. Il était désorienté, non pas par le décès d'épouse et fils. Non, cela, il en avait cure. La Voix des Anciens lui faisaient défaut, les Voix défuntes, un silence destructeur auquel il ne parvenait à mettre fin. Il dépérissait comme si on le privait de drogue.

On toquait à sa porte, puis on entrait. La démarche de son supérieur qu'il reconnaissait s'avançait vers lui puis sa parole grave et respectueuse lui demandait comment il se portait, s'il avait besoin de soutien. Il reconnaissait bien là ce patron paternaliste. Un ami était-il devenu, une fois passé outre l'insolence de Morghann, le quinquagénaire avait fini par adopter cet animal farouche que le sorcier demeurait. Le silence fut sa réplique, le malaise croissait. Il le sentit s’asseoir près de lui, et son épaule fut drapée d'une main qui se voulait compatissante. Le nécromancien n'y prêta aucune attention, son regard croupissait, fixe, sur le feu éteint de la cheminée. Il faisait froid dans cette maison, mais le veuf ne sentait plus rien, il était vide, les Voix disparues, son jumeau si loin. « J'ai reçu ta lettre de démission... » commença son patron, d'un ton aussi tendre que celui d'un père. « Tu n'es pas obligé de prendre une décision aussi radicale Morghann. Si tu as besoin de vacances, prends les, change d'air et... La douleur passera, ce n'est qu'une question de temps. Ne sois pas si impulsi--- - Je prends l'avion demain. » fut-il alors coupé par une voix morne, comme sortie d'outre-tombe. « Je rentre à Crimson Peak, je n'ai plus rien ici qui me retienne. Je vais auprès des miens, ils sont ce qui me reste. Ma décision est prise, Will, je suis certain que tu peux comprendre. » Le vieil homme acquiesçait du chef. Morghann ne le discernait pas, mais il le concevait. « Je t'ai préparé une lettre de recommandation. Je ne doute pas que tu retrouves du travail aisément chez toi. Je vais écrire, si tu l'acceptes, à un ami du Metropolitan Police Service pour qu'il te reçoive quand tu iras mieux. - Merci. » Dernier mot de sa part avant qu'il ne retombe dans sa léthargie.

---

Il l'attendait. Lui, son jumeau, son autre lui-même. Son regard sombre s'épinglait sur le cimetière familial dont il avait la vue depuis sa chambre. Sa mère avait autrefois pris grand soin de lui donner une  auguste fenêtre sur les sépultures qu'il chérissait tant. L'enfant se serait rebellé d'être isolé de la Voix des Anciens, comme un caprice auquel les parents auraient cédé. Il mourrait d'envie d'y retourner, la boule au ventre, craintif. Il n'avait pas mis les pieds dans un cimetière depuis la scène de crime. Il avait volontairement snobé l'enterrement et avait pris un vol bien avant pour s'assurer qu'on ne l'y traîne pas de force. Sa belle-famille allait le maudire de ce geste. Qu'importe, il ne les reverrait plus jamais. Il n'osait toutefois pas y retourner seul. Il attendait son frère. Il allait hurler, sa colère serait monumentale mais à l'opposé d'Howard, le cadet s'y était préparé. Il avait disposé d'un temps favorable pour peser les mots qu'il adopterait, les arguments qu'il manipulerait, de dompter ses craintes, raffermir son cœur... Ça n'empêcha pas toutefois ses mains de trembloter lorsque la porte s'ouvrit la volée et que son nom dans un grondement rauque fut formulé comme une incantation à l'ire. Son regard il croisa, dans le sien un néant palpable et, malgré la colère de son aîné, la joie, à sa vue, offrait une frêle étincelle qui vint donner vie à ces obsidiennes arides. Howard s'avançait, son courage s'évadait, la volonté se crispait. Affranchi qu'il voulait, il le savait déjà, il se soumettrait à ce qu'il lui ordonnerait, il se répugnait déjà d'une telle faiblesse de sa part.

Les propos claquants ne vinrent pas, son frère s'écroula au sol. Il avait trop forcé sur sa jambe : « Howard ! » s'exclama-t-il affolé par cette chute et d'un pas aussi machinal que traître, accourut à ses côtés. Il n'avait jamais convoité son malheur, pas plus aujourd'hui, mais il détestait lorsque ses réflexes fraternels déclamaient tant l'amour qu'il éprouvait à son égard. Il se reprit, dans une lueur soudaine et rebelle, son pas ralentit et dans la canne de son aîné, il donna un léger coup de pied qui envoya celle-ci hors de portée. Le jumeau ne pourrait se relever, c'était petit de sa part que de se servir de cette pénible faiblesse mais aujourd'hui, s'il voulait se faire entendre, il allait devoir le contraindre. Il referma la porte sur leur intimité, dans un claquement que le serviteur attribuerait certainement à la colère d'Howard. Il serait disculpé, son frère incriminé. Il s'agenouilla près de lui, habile à la manipulation des corps -morts- il retourna, sans grande douceur, son frère sur le dos à mesure que, sur lui, il s'asseyait à califourchon. Mains sur ses épaules, il l’immobilisait de tout son poids et lâchait un cynique : « Et bien Howie, tu étais si prompt de me revoir que tu en oublies comment marcher ? Paix, moi aussi, je suis euphorique de te retrouver. » Moqueur, cruel, railleur en apparence, mais dans son cœur, ô combien il était ravi de leurs retrouvailles, de le toucher, de croiser son regard pourtant lourd. Il n'aurait pas pu le dire de façon sincère, le cynisme, seul, lui permettait d’aligner ces mots avec aisance, donnant l'impression de les ironiser alors que la vérité était contraire.

Son visage, sans sourire, surplombait le sien. Son attention, lointaine, témoignait qu'une bête le rongeait. Il n'était pas revenu pour rien. Pourquoi cette colère ? Si rude, si blessante contre lui... Pourquoi ne s’inquiétait-il pas de démystifier cette désobéissance ? Pourquoi l'abandonnait-il encore ? Un voile de tristesse capta ses prunelles lorsque d'une voix plus sombre, plus lasse, il réclama : « Du calme. Le prochain vol pour xxx* n'est pas avant demain matin si tu tiens tant à me renvoyer dans ma tour d'ivoire. » Ses poings se serrèrent sur les vêtements de son aîné, crispés. Son ton affichait clairement combien il serait blessé qu'il le revoie là-bas, combien il n'avait pas envie d'y côtoyer la solitude. Ils avaient le temps de débattre. La nuit serait longue...

* euh... Ville à l'étranger où ils habitaient ?
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Howard Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyJeu 27 Aoû - 19:34


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“SI LA LIBERTÉ GRISE, LA FAMILLE RASSURE.”

Explosion de douleur blanchissant sa vision, balayant sa raison, le laissant un instant courbé et prostré. Deux genoux au sol, le dos rond et griffant d’une main le parquet, geste instinctif de bête blessée qui n’a plus de rempart que le nom. L’autre main se crispe comme une serre sur sa jambe, en une tentative inutile de chasser la douleur, comme si celle-ci pouvait seulement disparaître par ce simple geste tandis que son corps secoué tremblait et tressaillait. Il haletait, rapidement, le souffle comme écourté par une course qui n’avait pas eu lieu, ses yeux écarquillés, aveugles, le vide contemplaient, avant qu’il ne les fermes, cède et s’écroule complètement au sol, vaincu et accablé. Masque mondain fendu et abandonné, son visage hurlait la détresse qui l’habitait, la défaite frustration et l’humiliation qu’il subissait, à s’être ainsi laissé aller, dépouillé de son maintien et de ses manières. Il lui en voulait terriblement, l’accusant sans même y réfléchir et se châtiant d’ainsi le condamner pour quelque chose qui n’était, au final, pas de son fait… Mais si, non… c’était si compliqué ! Il lui en voulait, la bile montait, voulant se déverser, comme une catharsis à ce qu’il ressentait, cherchant un responsable immédiat sur qui il pouvait se décharger, en ayant en horreur d’ainsi se rabaisser. Morghann n’était pas celui qui l’avait blessé, condamné à cette existence tronquée,  cela, c’était à Erebe qu’il le devait, et en cet instant il haïssait le loup de toutes les fibres de son être déchiré… Non Morghann n’était pas son geôlier, mais là, en cet instant, c’était bien de sa faute s’il souffrait, et pour cela il lui en voulait. Peut-être plus encore, stupidement, que de son incartade. C’était la fatigue, la colère, la désillusion et le tourment qui parlaient, tous en même temps, hurlant comme un chœur de damnés. Pendant toutes ces années, il l’avait contemplé, l’avait envié, d’être encore entier, lui-même et libre ! Par tout ce qui existait, tellement plus libre que lui ne l’était ! Lui qui, toujours, avait aspiré à l’émancipation, complète et totale, à la liberté sans contrefaçon, sans la familiale domination….  Des chaînes dont il avait voulu se délivrer, il s’était pourtant laissé happé et conservé, pour pouvoir la lui offrir !

Comprenait-il un seul instant qu’il jouissait de ce que lui voulait, et ce par son sacrifice épuré ! Morghann avait fait ce qu’il désirait et n’avait pas eu à subir la cangue de leur famille, il s’était même marié, et il.. il était entier… il vivait, de son corps sain profitait, pendant que lui croupissait dans son écrin nécrosé… et il avait encore la bêtise, la folie ! de revenir, d’hypothéquer tous ces précieux biens, toutes ses bontés ?

Il aurait voulu hurler qu’il le haïssait, tout autant qu’il aurait voulu le supplier de l’écouter, de se montrer raisonnable, non borné… Tout ce qu’il avait fait, tout ce qu’il faisait, tous ses efforts et ses peines, c’était pour lui, avant tout, c’était pour lui… Pour cet être qu’il avait aimé dès le premier jour, dès qu’il l’avait vu et compris, dès leurs premiers battements de cœur précipités. En lui, tout se bousculait, se fracturait. Il souffrait, angoissait, et plus que tout, se trouvait soudain désarmé devant lui, chose qui l’insupportait. Son précieux frère, il se devait, pour lui, d‘être inflexible et fort, d’être un pilier, toujours droit et toujours ancré, que rien ne venait perturber… C’était son devoir autant que sa volonté. Rouvrant des yeux humidifiés, à son grand dam, il le sentit approcher, se crispant tout entier… et voyant soudain sa canne lui être retirée. Traitre vil, ainsi, il voulait en plus se gorger de son forfait et jubiler de sa calamité ? Incapable de résister, il se laissa physiquement dominer, ne lui offrant qu’un masque sauvage et un regard tranchant et meurtrier, se refusant à lui donner plus de fierté à son détriment. Par pur dépit et animosité, il se fermait autant que cela se pouvait, bien malhabile, alors, mais non moins déterminé, encouragé par la colère qui, en lui, rampait. « Ne m’appelle pas ainsi » siffla-t-il, la voix brisée par les cris retenus, étranglée par les sanglots contenus. Coup de griffe dans le vide, frappe perdue. Son poids le bloquait et le contraignait, incapable de reposer sa jambe comme il l’aurait dû, il devait endurer l’inconfort et la souffrance palpitante, comme un second cœur, remontant dans tout son corps et venant se diffuser par sa nuque, dans son cerveau fleurissait… Morghann le faisait exprès ! Cruel vermisseau qu’il aurait sans doute dû supprimer pour cet affront, mais qui le dominait en l’instant au point de le faire hoqueter de douleur.

« Ah… » Il retint un rire fiévreux et emballé, nerveux. Non contente de le tarauder, la position s’avérait également fortement gênante, et la proximité le dérangeait, ce n’était pas celle dont il était coutumier. Ça le perturbait et ce d’autant plus que les conspirations d’Elie lui restaient sur l’esprit. La suite cependant vainquit le peu de résistance qu’il maintenait et c’était alors que, de rire il éclatait, à son corps défendant.

Le corps secoué par l’hilarité fébrile, il hoquetait, produisant un son dérangeant, pour moitié aux sanglots ressemblants, pour moitié au gloussement bas et frivole d’un fou devant une plaisanterie macabre dont il était seul à connaître le sens. Ses yeux baignant dans les larmes se fermèrent un instant, les gouttes délicates à ses cils s’accrochant comme des ornements, avant qu’il ne lui adresse un regard où la compassion se le disputait au cynisme le plus criant, et qui à lui seul, semblait chuchoter Pauvre fou tandis que d’un murmure de confident, il répondait : «] Penses-tu vraiment qu’ils te laissent repartir à présent ? » Et de se remettre à glousser, les mots ayant déjà semblé ardus à extirper de son palais, en pleine crise de ricanements. Il chercha de l’air, érratiquement, le corps se soulevant légèrement au rythme des inspirations précipitées, l’air cherchant comme un désespéré, autant que la capacité à s’exprimer intelligiblement. Ses traits se tordirent en une grimace, portrait de tristesse, puis d’accablement, les larmes coulant, quittant le refuge de ses yeux comme les fleuves de sang quittant une blessure béante, son cœur empalé, déchiré par cette désobéissance qui, de tant de menaces, de conséquences, se parait… Puis après un dernier bouquet de ricanements, parfaitement incontrôlables et décadents, il se calma, vidé de son énergie immédiate… Orbes éclaircies, sombres, comme de sombres carapaces d’insectes, comme l’obsidienne et l’encre d’orient, ciel sans nuages mais encore fragile, malgré ses penchants et ses efforts, malgré sa furieuse volonté… « Du calme… hein ? » Souffles, toujours, faibles, se brisant sensiblement sur la chute des mots… « Ta tour d’ivoire hein… ? » Rictus large, dégoûté et presque plein de rage, à nouveau « Ta tour d’ivoire » Il se répète, énonçant comme si les mots étaient une souillure sur sa langue, comme une dérision…

« Oui, je t’ai donné une tour d’ivoire… je t’ai épargné tant de choses toutes ces années, je n’aurais peut-être pas dû, si c’était pour qu’ainsi tu me renie… Te jeter dans la fosse aux serpents, oh tu me diras tout ce que tu veux, tu siffleras, toi aussi, belle vipère que tu sais être, mais jamais tu ne pourras rien y faire… » Se persuadait-il à tort ? Il ne pouvait y croire « Tout ce que je t’ai donné, tu l’as abandonné, jeté aux orties, pour revenir dans cette nasse dont tu ne te déferas pas, plus… ils y veilleront, nos parents, nos oncles, nos tantes… » Lourd silence, comme une baie sombre et profonde, son souffle encore haché seul bruit que  qu’alors on entendait. Il se laisse reposer, essayant de se défaire de cette douleur mais abdiquant bien vite, un combat qu’il retentait, souvent, et continuait de manquer. Il allait devoir user de plus que d’un simple repos, pour se calmer. « Tu ne sais pas… tu ne sais pas quel danger tu vas trouver, ici… vas-tu vraiment me blâmer de te protéger ? Ingrat… » Un mot comme un couteau, comme le pieu que Morghann a planté, du mois c’est ce qu’il espère, vengeance grégaire « Mais je t’en prie » Ton traînant, sarcastique quoi que brisé « Tu as sûrement une très bonne raison de vouloir revenir dans ce tombeau, n’est-ce pas ? Et bien je te prie, conte la moi, justifie toi… Mais avant ça… » Un ordre, soufflé doucement, mais un ordre, lassé, qui avouait clairement qu’il ne désirait nullement devoir le forcer pour obtenir ce qui, de droit, lui revenait, alors qu’il y avait tant de sujets sur lesquels ils pouvaient se confronter… mais pas celui-là, parce que de toute façon, il était hors de question de l’outrepasser, et parce que, pour cette fois, tous deux savaient qu’il n’hésiterait pas à le bousculer pour se voir dédommagé… « Relève-toi » Aveux d’une trop grande souffrance, sous cet ordre dosé. S’il continuait à lui faire mal autant qu’à lui se coller, il ne pourrait jamais rien entendre clairement de ce que l’autre voulait lui plaider… il allait tomber dans les pommes, même sa résistance et sa volonté avaient leurs limites.
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Morghann Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyJeu 27 Aoû - 23:31

Terrible regard ne lui fut-il pas assener, comme un vif coup de poignard, entre les deux yeux, bien visé. Morghann se renfrogna. Il aurait ri presque lorsque son jumeau protesta contre cet enfantin surnom mais l'ascendant qu'il avait sur lui, même en situation d'infériorité, brisa cette volonté à peine éveillée. Douleur et damnation. Inflexible, il ne bougeait, l'observant hoqueter sa douleur, puis se dilater la rate à en faire pâlir le diable de jalousie. Il souffrait, son cher frère, et pourtant, une voix sournoise lui soufflait de ne pas relâcher la pression tout de suite. Il laissait le supplice se prolonger, plongeant son jumeau jusqu'au délire lorsque ses yeux se remplirent de larmes d'agonie. Prunelles sournoises, sadiques, viles et intraitables, mâchoire raide, visage contrarié. Il demeurait, penché sur lui, expression intangible, face à sa fiévreuse hilarité. Allait-il donc en finir ?

Il ne pourrait repartir, c'était un fait inéluctable d'après son frère. Le sorcier arqua un sourcil, brisant le stoïcisme jusqu'alors étalé. « Dans ce cas, la question ne se pose plus. N'es-tu donc venu que pour déverser ton amertume, ta rancœur ? Crois-tu que m’accabler est une issue souveraine ? Que ton sermon te soulage, ne présume pas pour autant que cela t’allégera de façon durable d'une quelconque manière. » Hostile, flegmatique, il se fermait pleinement à son plaidoyer. Il s'y était résolu bien avant que cette discussion ne commence. Ses propos enflaient sa colère, drainait son ire silencieuse. Tout son être bouillonnait comme si les enfers étaient son brasier. Ses poings se serraient plus rudement sur les vêtements de son jumeau, il les aurait arrachés en un seul geste tant ses muscles étaient devenus raides. Il gronda, d'une voix sourde et farouche à la fois. Il était l'animal, fuyard et sauvage : « Je ne t'ai rien demandé ! Je n'ai rien voulu de tout cela ! Ne me reproche pas tes propres actions dès lors qu'elles deviennent un échec, un affront à ton orgueil ou une frustration dont j'ai le malheur d'être l'objet ! Je ne te dois rien Howard ! Est-ce donc cela ta protection fraternelle ? Un sursaut d'amour-propre, un gain pour soulager ta conscience, un espoir de retour sur investissement ? C'est ça ? Combien veux-tu que je te paie pour ce sacrifice ? Dois-je lécher tes chaussures pour te satisfaire ? Qu'espérais-tu de moi ? Qu'attendais-tu que je fasse quand tu m'as tourné le dos ? Quand tu es parti ? Quand tu t'es désintéressé de ma vie ? »

Il tremblait de façon affreuse. Il aurait voulu fuir, aller se consoler dans un cimetière à la Voix des Anciens jusqu'à ce que la peine s'évapore, pleurer de tout son soul : il était incapable de pleurer autrement qu'avec eux. Mais il ne le pouvait, il ne les entendait plus, alors il tremblait de plus bel, ressentait insidieusement les effets du manque. 35 années de drogue, ça ne s'oubliait pas du jour au lendemain. A l'ordre, il se défit machinalement de lui, le regard sans vie, comme assassiné dans l'âme. Il avait l'habitude de manipuler les corps, il usait de sa force pure et de l'énergie cinétique pour le relever et le conduire à son lit où il l'étendit, qu'il soit consentant ou non.

Ces ténèbres qu'il lui servait là, lui, son frère, gémellaire de surcroît. Que de sévices, que d'animosité qui dans ses prunelles telles des flammes dansaient. Quel cruel ornement à la façade fraternelle, qui blanchissait son cœur, irradiait jusqu'à son âme, brûlait son sang impur bien plus abominablement que ne l'auraient fait mille bûchers réunis. Il exhalait cet antagonisme, frénétique opposition à son vœu de liberté, il le dévorait, amour protecteur, amour de geôlier. Il était son cerbère, veilleur de bonheur, générateur de sa noirceur. Il était son gardien, fidèle au poste depuis tant d'années. Oui, ingrat, il l'était, le mot était tout trouvé, lui-même n'aurait eu l'effronterie de le nier. Ingrat, il l'était, assurément, contre ce travail accompli mais travail qu'il n'avait jamais réclamé. Peut-être que s'il n'avait pas eu cette protection, il lui aurait reproché son absence. Son frère lui avait octroyé, il s'était alors fait le devoir de le contrarier. Oui, ingrat. Devait-on par bienveillance au donateur courber l'échine à tout jamais et vivre son malheur ? A l'abri, dans sa tour d'ivoire, l'ennui était dévorant. A quoi bon vivre des millénaires ce n'était à peine entendre les balbutiements de son cœur ? Battait-il encore vraiment ou s'était-il cristallisé à l'instant même où son frère l'avait quitté ? Mais pouvait-il vraiment lui dire ? Pouvait-il vraiment lui cracher au visage combien il l'aimait ? Combien son départ lui avait été lourd ? Combien pour rien au monde il refuserait les dangers si à ses côtés, il pouvait rester ? Combien l'éclat de ses prunelles avait terni en quelques semaines seulement et combien elles s'illuminaient à nouveau en sa présence ?

« Je jetterai toutes les tours d'ivoire sur un bûcher si aucune d'elles ne permet à mon gardien d'être, lui aussi, à l'abri, à mes côtés. » Dents serrées, voix étrangère, comme son frère ne l'eut probablement jamais entendu de sa vie, ou en de très rares occasions de confession à la pureté tellement éclatante qu'il en serait passé pour un saint. L'aveu le dérangeait, comme si cette manifestation d'affection était honteuse, sale et condamnable. Il se détourna, quitta la chambre pour se rendre dans la voisine, cherchant dans maints et maints tiroirs jusqu'à tomber sur l'objet de sa quête. Il poussa un soupir, ampoule en main, profitant d'être hors de regard de son frère pour faire retomber la pression, pencher la tête en arrière, fixer le plafond. Un sourire avait fait son apparition sur ses lèvres. Il réprimait toute envie de lui dire qu'il l'adorait, par fierté uniquement, mais quelle jouissance ne ressentait-il pas avec après cette acte honni ! Un sourire béat, bienheureux, en fait, déridait son visage. Il referma son expression lorsqu'il revint près de son jumeau et lui adressa ni plus ni moins qu'un regard assassin comme si c'était de sa faute s'il en était venu à d'aussi mielleux propos.

Il défit les chaussures de son frère avec des gestes secs, lui ôta ses chaussettes. Sans plus de cérémonie, il vint lui retirer son pantalon pour mettre ses jambes à nues. Sa jambe. Une seule l’intéressait en fait, celle où il avait mal. Il le bascula, sur le côté, prépara la seringue, n'absorbant qu'à peine la moitié de l'ampoule. Soit suffisamment pour anesthésier la douleur localement, mais loin d'être une dose capable de lui faire faire un bad trip. D'un geste habitué par ses études en médecine, il planta intramusculaire dans son charmant fessier, après avoir mis une tape sur l'épaule pour le distraire de la douleur de l'aiguille. « Ça va aller maintenant » fit-il gravement avant de le rallonger sur le dos et de rabattre le drap sur lui, au moins par pudeur. Il s'assit sur le bord du lit, dos à lui, bras croisés, mine boudeuse, le laissant souffrir une ou deux minutes le temps que ça fasse effet. Il observait, par la fenêtre le cimetière en cette fin de journée. Ses yeux sombres étaient remplis d'intérêt et de tristesse à la fois. A cette vue, il dépérissait, se mourrait. Longues minutes de silence, sa voix brisée rompit finalement le silence lorsqu'il avoua enfin un : « Je ne Les entends plus. »
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Howard Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyVen 28 Aoû - 17:46


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“SI LA LIBERTÉ GRISE, LA FAMILLE RASSURE.”

Pour sa rancœur et son amertume ? Non il n’était pas ainsi fait, il n’avait pas été ainsi éduqué… pour lui, seule sa famille comptait, en tant qu’entité, pas en tant qu’individualité, pourtant il n’avait jamais nié sa préférence pour certaines existences. Et Morhgann était de ceux pour qui il pouvait tout endurer, tout faire et tout supporter, malgré l’amertume qui, parfois, s’installait et qui le rongeait, le faisant ressasser et accabler les principaux concernés. Oui malgré cela, il continuait, peinait diligemment, parce qu’ils étaient tout, ils étaient son bien le plus précieux, véritablement… alors non, il ne l’admonestait pas pour se soulager, il le faisait parce qu’au contraire il angoissait et s’effrayait de le voir sur un champ de bataille dont il aurait voulu le gracier. S’il l’agressait, c’était qu’en attisant son inimité à défaut de sa fidélité, il pourrait l’obliger à partir, et ainsi le préserver, préférant porter le costume de l’ennemi, si cela pouvait aider. Maintenant qu’il y pensait… c’était sans doute d’un dramatique dépassé, sans doute inutile et idiot, mais quel autre choix avait-il ? Malgré ce qu’il affirmait, il ne voulait pas le confronter aux autres serpents et à leur sinuosité qui le dévorerait. « Crois-tu » croasse-t-il dans son délire enfiévré, au milieu duquel, pourtant, comme une singularité, cette bulle de pensées persistaient, froide et effrayante. Il voulait continuer de le laisser y croire, il voulait continuer de l’éloigner autant qu’il le pourrait, que Morghann reste sa belle et jeune vipère, dans une mare à sa taille adaptée… Même sa jeunesse persistante et écervelée était un don, quant bien même elle le blessait. Parce qu’au final ça voulait dire qu’il vivait, pleinement et qu’à eux, il ne ressemblait. Qu’il avait son individualité, celle-là même qu’il lui enviait. En fin de compte, oui, c’était lui qui des autres ne différait, Meyrick dans toute sa splendeur à une seule exception près. Mais il ne pouvait pas l’accepter, ce serait trop dur, comme il ne pouvait s’empêcher de blesser son frère. Peut-être avait-il raison, quelque part, peut-être cherchait-il à se soulager… Non, il ne pouvait y songer, il ne pouvait s’en persuader, son frère se trompait. Pas étonnant en même temps. « Crois-tu que je perde mon temps et mon énergie à d’aussi inutiles façons ? »

Oh oui… il n’avait rien eu à demander, et s’il avait demandé, l’ingrat enfant l’aurait également accusé, point question d’en douter. Son ricanement, alors, prenait des accents de pures folies avant de s’apaiser. Ne rien lui devoir ? Il lui devait tout bon sang, quelle sorte d’aveugle était-il pour l’ignorer ? Les mots tournaient, la réponse, déjà se formait, aussi cinglante qu’un couperet, pourtant jamais les mots ne franchissaient la barrière de ses lèvres scellées, parce que lui jeter en pleine figure ses quatre vérités n’aurait fait que desservir le but qu’il s’était fixé. Heureux l’insouciant qui, du monde, ignorait la vérité… La douleur le terrassait trop, il sentait déjà sa conscience vaciller, s’étioler, le vide le happer… Il fallait qu’il se relève, maintenant, s’il ne le faisait pas, il tomberait inconscient et quand il se réveillerait, Morghann pourrait toujours user de tout ce qu’il voulait, c’était sur Pluton qu’il l’enverrait. Et cette fois sans douceur aucune. Mais par bonheur, il obéit, cette fois au moins, et entreprit de le relever, lui se laissant porter. La position verticale retrouvait fut trop brutale, et sur lui, il manqua s’effondrer, sa jambe tremblant et de nouvelles décharges de souffrance lacérant sa chair au supplice, tant et tant qu’un bref instant, sa vision d’obscurité se voilà, son esprit le quittant, effaçant ses tracas. Douce inconscience dans laquelle il aurait volontiers plongé en d’autres circonstances. Mais pas maintenant, pas avec lui, alors qu’il devait de son frère user tel un succédané de pilier. « Ma canne… » Marmonnement vague, sa détresse trahissant, comme son regard dans le vague, complet d’aveuglement. A peine se sentit-il allongé, bien que la position horizontale, soudaine mais bienvenue, un retour à la normal favorisait. Du moins un retour à la conscience globale. Son corps lui était encore douloureux et engourdis, et il ne sentait plus grand-chose de ses extrémités, mais au moins se savait-il exister. Tentant de bouger, le vertige soudain lui fut un avertissement suffisant pour ne pas réitérer. Ainsi donc, il serait condamné à cet écrasant bras de fer en position diminuée… Amère constatation, mais que Morhgann ne compte pas sur lui pour abandonner.

Du moins pas si… facilement ? Son aveu le laissa coi, l’observant entre ses mèches enténébrées, alors que la pièce il quittait. Resté seul, il se laissa sur les coussins retombé, soupira lourdement, de ses poumons l’air vidant. C’était plus que la douleur qui l’écrasait, en l’instant, c’était le poids de tout ce qu’il avait fait, et tout ce qu’il se devait d’accomplir. A l’abri ? A ses côtés ? Il n’allait pas être sauf et sain avant de longues années si ce n’était jamais… et lui, à cette guerre il refusait de le voir participer… De là, pouvait-il seulement parvenir à lui faire comprendre que sa tour lui restait sa seule alliée ? Lassitude éreintée. Qu’était-ce que cela ? Une preuve d’une affection illusoire ou bien la vérité ? Il tendait à penser que c’était la vérité, et cela le touchait mais… Quand il y pensait, la réaction de son frère était celle d’un gosse par son père terrifié. Oui, c’était le coup de griffe instinctif et animal d’un enfant en pleine crise, qui crache ce qui lui passe par la tête sans y penser vraiment… Lui-même avait expérimenté, par le passé, cette peur primaire qui dévorait, bien qu’il n’ait alors pas eu tant de mal à ses mots apposer un collet. En fin de compte, et même si cela pouvait le blesser, c’était même là une bonne preuve qu’il réussissait… que Morhgann fasse preuve de tant de réactivité, et de façon si peu tempérée, c’était leur exile qui l’avait permis, ses choix de succès couronnés… En fin de comptes, oui, Morhgann était celui qui différait le plus des exigences de leur famille. Tandis que lui… lui en était un pur produit, quant bien même il s’en défendrait. Avait-il troqué sa place de frère aîné contre celle de père substitué ? C’était une amère idée que celle-ci, tous ses gestes alors peints d’hypocrisie… Et si hypocrisie était nécessaire, quoi alors ? Il y céderait. Faites ce que je dis, pas ce que je fais, pourquoi pas, en finalité ? Avait-il vraiment… agit comme son père l’aurait fait, quoi que pour d’autres buts, d’autres idées ? Sans doute, mais c’était dur à digérer…

Toutes ces contradictions étaient dures à digérer. S’il avait pu… être à ses côtés, comme son double, réellement, comme son frère aimant… il l’aurait fait oui… en avait-il encore même la possibilité ? Il voulait pouvoir jouir de sa présence, de lui s’obnubiler, de lui se gorger, s’imprégner, sans jamais avouer à quel point à lui il tenait. Pareille affection, chez eux, devait se juguler, se contrôler, et ne jamais s’avouer comme Morhgann lui-même l’avait fait… Et lui-même s’avouait incapable de l’imiter, enfermé dans les préceptes, il ne pouvait que le blâmer et le contrôler, faisant de cette tour qu’il bâtissait depuis tant d’années l’ode silencieuse à l’amour qu’il lui portait. Pourtant… pourtant dans ce havre idéalisé qu’il désirait créer, oui dans ce havre-là, tout lui avouer ne semblerait plus si malaisé et si honteux… dans ce havre-là, Morhgann était sauf, et n’avait à se soucier de rien si ce n’était de ce qu’il désirait, pendant que lui veillait et s’octroyait, pour tout paiement, la possibilité de voir son affection retournée, cédant à cette faiblesse, qu’alors il pouvait montrer sans méfiance et sans protections. Mais pour construire ce havre, il lui fallait le sang de ceux qui l’avaient éduqué… ces hommes, ces femmes, qui des Meyrick, constituaient le ciment… il lui fallait les vaincre, les détruire, et alors il pourrait rebâtir. Avec l’aide de Lydia, et de son frère, pourquoi pas ? Qu’est-ce que Morhgann risquerait à les aider dans cette tâche précise, alors qu’en cet instant attendu, leur famille purifiée serait de nouveau unie et soudée. Ce serait eux contre le reste du monde…  « C’est ce que je veux construire… » Souffle dans ce qui est pour lui le néant d’une chambre vidée de ses attraits. Il était venu en éclaireur, et une fois le terrain préparé, il aurait rappelé Morghann pour lui offrir son bouquet. Mais c’était peine perdue à présent et son jumeau risquait du prix de la guerre payer l’entièreté…

Ses yeux se fermant, le temps défilant, se perdant dans les abîmes de l’écrasement, il faillit s’endormir et ne put que sursauter lorsque la présence de son gémeau revint à ses côtés. Son regard assassin captant, il ne lui rendit qu’un mur impénétrable, impavide, se fermant. Pourtant le touché le surpris, et le gêna grandement. Que faisait-il exactement ? En voyant la seringue, comprenant, il se détendit légèrement, pourtant toujours extrêmement mal à l’aise… Il se sentait sale sous ses doigts et malade, difforme même, et il aurait souhaité être en tout autre endroit plutôt que là. S’il le laissait faire, trop faible pour le lui refuser et trop conscient qu’il avait décidé de l’aider, il restait que le contact corporel était une chose qu’il n’avait jamais maîtrisé, du moins pas celui-là, et que le partager avec un être si proche mais si controversé lui était une épreuve supplémentaire et une humiliation qu’il regrettait. Ses frissons de dégoût il réprimait, serrant les dents et détournant le regard, se refusant au moindre commentaire en espérant qu’il fasse de même, combattant farouchement l’envie qui le prenait de frotter sa peau, là où celle de son frère le touchait, comme pour en effacer la sensation, la marque… Il aurait voulu se vêtir de nouveau, et accueillit la présence des draps comme un rempart qui l’empêcherait de dérailler. Que se passerait-il s’il continuer de le toucher,  et que se passerait-il si lui le touchait également ? Pour cette simple idée, qui le faisait frissonner d’inconfort, il faillit bien l’agresser de nouveau, et ne se retint que de justesse. L’observant de ses yeux sombres, ne le lâchant pas, il se rongeait, ne sachant s’il parviendrait à le remercier.

Ce fut finalement son cadet qui l’en dispensa, de surprenante façon. Sans qu’il parvienne à s’en empêcher, un sourire sans joie, cynique, à ses lèvres grimpa… « Et tu oses me dire que ça va aller ? C’est l’affirmation la plus inepte de toutes celles que tu as proféré et pourtant, le ciel et l’enfer savent que tu peux être un monument en la matière… » Non, il n’était décidément pas doué pour l’affection spontanée, lorsqu’il le fallait. Soupirant lourdement après ses propres réactions étriquées, il entreprit de se retourner pour pouvoir l’observer plus confortablement, sans avoir à se briser le coup pour y arriver. Il vint le frôler, sans jamais le toucher, ne pouvant s’y résoudre sans se sentir atrocement condamné… Son regard dérivait, de son frère, il s’attarda sur le cimetière, austère lieu de repos, aux sombres caveaux. Silence un moment les enveloppa, avant qu’il ne parla, d’une voix à présent lasse mais posée, plus patiente qu’il ne l’avait été «   C’est cela qui t’as poussé à revenir ? Tu pensais les retrouver ici ? Tu pensais qu’en retournant aux sources tu aurais accès à leurs retraites… ? Ou bien étais-tu revenu pour que je t’aide ? »  Nouveau silence, pas de réponses… peut-être en prépare-t-il une, mais elle ne vient pas et lui, peu à peu, réalise, lentement prend conscience de tout ce qui manque, autant que de l’angoisse qui, toujours, lui déchire les entrailles. Cette nouvelle ne fait que le conforter dans la certitude arrêtée qu’il est ici en danger… qui pouvait savoir ce que leur famille tenterait, s’ils savaient ? Il en avait une petite idée, en réalité, et c’était ce qui le motivait alors à parler malgré l’aloès…

« Je t’aiderais, Morhgann. Tu le sais, que je t’aiderais… Mais il faut que tu m’en parles davantage. De prime abord, sans doute n’y aurait-il rien de plus à dire, à tes yeux, mais c’est faux. Il y a sans doute des éléments que tu pourrais me communiquer, des éléments d’importance » Puis, après un arrêt, après une hypothèse brutale et soudaine, il fronce les sourcils et poursuit, sans plus lui accorder le temps de s’expliquer « Et ta… femme… ton fils ? » Au premier terme, c’est un soupçon de hauteur qu’il exsude, critique depuis le premier jour de cette créature qui n’était en rien suffisante pour son frère bien aimé, au second pourtant, moins d’inimité, même suggérée, un enfant est une autre affaire… « Tu les as laissé sur place pour venir me retrouver, parce que tu n’entendais plus des compagnes de longue date ? N’est-ce pas quelque peu déplacé ? … Si tu me l’avais demandé, je serais venu, Morhgann… » J’aurais accouru, auprès de toi, toujours « Tu entends ces voix depuis ton enfance, j’admets que leur disparition m’inquiète tout autant qu’elle doit t’affecter, mais au point d’oublier ta parenté, même rapportée… » Famille, famille avant tout. Il avait été là si on avait besoin de lui, il n’avait jamais été intrusif auprès d’eux… « Si je t’ai laissé c’était aussi que tu puisses profiter d’eux sans m’avoir sur le dos… Je pensais que m’effacer pour quelques temps t’aurait fait quelque bien, t’aurais permit de t’approprier ce que j’avais construit pour nous… De toute évidence j’avais tort et j’en suis désolé… mais je ferais ce que je pourrais pour me rattraper » Diligent, toujours, son devoir accomplir, pour son frère souffrir s’il décidait que son aide serait celle de l’exutoire, mais qu’importait…

« Parle moi… » Presque une supplique, cette fois…

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Morghann Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyVen 28 Aoû - 21:46

Des inepties. Oui, il en avait proféré, des milliers, des millions dans sa si mortelle existence et pourtant, à son contraire, le pessimisme n'avait pas imbibé son cœur. Il avait foi en leurs forces mutuelles, foi en leur union gémellaire, foi en leur capacité à franchir les obstacles, les uns après les autres. S'il était là quelques religions, il en était un saint, apôtre devant son prophète, si seulement celui-ci daignait prédire d'autres horizons moins apocalyptiques. Tout irait bien, il n'appartenait qu'à eux de s'y abandonner et de réaliser ce doux idéal. « Je suppose que cela veut dire merci » claqua-t-il en rabattant le drap sur la nudité gémellaire. Nudité étrange par ailleurs. Si son jumeau était sa reproduction parfaite, si ce corps endiablé, par lui-même, il en connaissait les moindre recoins, force était d'apparoir que cette crispation n'était pas sienne, qu'il pressentait comme une gêne, répulsion vaine, dégoût déconcertant. N'était-il pas son frère ? Pas le premier malvenu qui ose de sa peau de repaître. A bien y songer, il n'avait guère vu de dit-malvenu aux côtés de sa moitié d'âme. Howard avait peut-être ses secrets... Tant de secrets qu'il aurait voulu percer, caresser, voir éclore. Curiosité excessive, probablement jalouse, mais que sa servitude à son frère dévouée ne lui avait jamais permis de l'y interroger. Émancipation certaine, et pourtant pas forcément contre lui, mais aussi pour et avec lui.

Sur le cimetière, son attention s'était alors focalisée et ses prunelles ténébreuses de noirceur plus encore vinrent se parer. A l'apogée de sa tristesse, son cœur fébrile, il le délaissait sans remords, le cloisonnait, l'emprisonnait pour qu'il n'éclate, dans un cocon soyeux. Il cherchait la paix mais son âme dévorée ne semblait vouloir la trouver. Une semaine déjà. Un semaine de manque, les Voix n'étaient que des souvenirs, elles s'effaçaient, s'estompaient, s'abrogeaient. Il devenait un abandonné, bateau sans cap, en pleine mer qui chavirait. Les vagues, monumentales, déferlaient et finiraient par s'abattre sur sa piteuse embarcation. Elles démoliraient sa coque, arracheraient son mat et son cœur au fond de l'océan plus jamais ne battra. Alors oui, s'il était revenu, c'est pour qu'à sa boussole il puisse s'accrocher, son maître, son guide tant aimé qui, au nom Howard, répondait. Oui, s'il était revenu, c'était pour qu'il l'aide, mais une aide qu'il n'osait demander. C'était là, dans sa gorge, lèvres entrouvertes mais supplique qui ne venaient pas. C'était là et pourtant le silence parlait plus fort, son frère poursuivait et lui ne répondait. Son palpitant s'emballait, les mots plus difficilement lui venaient aux lèvres. Il n'y parvenait pas même lorsqu'Howard le supplia. Ses paupières se firent lourdes, enveloppé de ténèbres, la voix de son aîné s'était tu. Silence mortel, griefs dans sa chair, respiration ni spontanée, ni naturelle, mais profonde, elle hachait l'air pour que la pression lentement chute.

Puis ses lèvres s'ouvrirent à nouveau, et sombres furent ces mots qu'il arrachait avec tant de difficultés : « J'ai joué. » Pressions avec ses pieds pour que ses bottes boueuses le libèrent. Boueuses elles étaient encore, elles l'étaient toujours. Il avait beau les nettoyer, il rendait trop visite à ses compagnes mortuaires qu'il devenait un rêve que de les présumer propres un jour. « J'ai joué avec Mort mais Mort n'a guère apprécié. » Il se laissa lentement tomber sur le flanc, pour qu'aux côtés de son frère, bien que dos tourné, il puisse s'étendre et dans sa léthargie, il pourrait poursuivre ses confessions comme une pieuse personne l'aurait fait à l'église. Son regard obsidienne restait rivé sur  les tombes, comme unique point de repère. Joue contre le matelas, maussade, il contait, avec tant de détails futiles, mais ces détails que son frère désirait :

« Carmin était ma terre. Carmin ce sol, carmin le tapis maculé, carmin près de la cheminée. C'était dans le sang que baignaient nos photos. Kessy les rangeait avec notre enfant. Ça faisait des jours qu'elle les plaçait dans des albums avant que je ne rentre pour occuper Andrew entre quelques jeux et se remémorer nos souvenirs. Il y en avait tant, nous n'avions pas pris la peine avant. Peut-être avait-elle raison. Il était bon de l'entendre, même depuis la cuisine, retracer nos vies, mois par mois, année par année. Elle me rappelait d'où vous venions, le sens que notre vie prenait. Elle narrait nos péripéties à notre fils, et m'épatait par sa patience et à bienveillance lorsque des formes étranges, de ses ciseaux crantés, il découpait pour agrémenter son œuvre. » A trois ans, c'était déjà bien qu'il sache se servir d'une paire de ciseaux. « C'est étrange maintenant que j'y pense. Elle parlait comme les Voix l'auraient fait. Elle y mettait son cœur, donnait son avis, son impression. Comme si elle savait ce qui se passerait. Comme si sa mémoire, elle avait voulu me la donner avant que le châtiment ne tombe. Et ce soir là, je ne l'entendais pas. Je suis rentré et son sang se versait sur les photos. Elle tenait Andrew dans ses bras. Comme pour sangloter. Elle le pleurait, elle a du souffrir. Son enfant défunt gisait-là, balle dans le cœur, tiré à bout portant, la poudre noire est restée sur ses vêtements. La balle l'a transpercé, corps frêle, sortie de son dos et dans les cendres, elle est venue se loger. Il a vu son agresseur, elle est venue le consoler. Elle ne pouvait rien faire, l'arme sur sa tempe s'est posée. » Il n'avait en rien assisté à la scène mais savoir comment s'était produit un crime était son métier, il excellait à la reconstituer. « Elle buvait le calice jusqu'à la lie. Son sort se scellait et leur deux corps reposaient là, dans ce salon, demeure adorée, froide soudain et la mort hantait l'endroit. Nul effroi en mon cœur trop habitué à pareil décor, nulle douleur me brisait, nulle peine m'assaillait. En lieu et place de cela de la frustration, puis de l'exaltation. Frustration, oui. Ils étaient partis trop tôt. Plus tôt que je ne le désirai. Travail à moitié accompli, je n'ai pas été au bout de ce que je programmais. Avant moi, ils devaient mourir, tel était le jeu. Je voulais les entendre, leurs Voix, je voulais être au cœur de leurs histoires, point névralgique, clé de voûte d'une ambition étrange. Celle de posséder un tombeau qui d'amour me berce. Aurais-je pleuré, une fois, une seule sur mon propre sort ? » Il ne pleurait que les morts, pour se pleurer lui-même, il aurait fallu qu'il meure également mais cet état de fait l'aurait mis dans l'impossibilité de verser la moindre larme. « Paradoxe résolu de m'octroyer ce que j'aurai pu n'avoir qu'au-delà de la mort. Au Prince Eurynome, j'aurai arraché cette victoire si... Si seulement je n'étais devenu sourd, soudain à leurs paroles, lorsque sur leur dépouille je me faisais vautour de leurs âmes. »

Sa gorge se nouait. Châtié, il l'était, du moins était-ce la conclusion à laquelle il avait abouti. Interdiction d'entendre leur Voix, ni celle de son épouse, ni celle de son fils. Frustration soudaine face à tant d'efforts fournis, et victoire ravie au tout dernier instant. « Je ne suis pas retourné près d'un quelconque tombeau. J'ignore si... Je ne suis sourd qu'au fruit de cette insolence ou si plus aucune Voix, je n'entends. J'ignore également si c'est ponctuel... Ou permanent. » Ni l'ampleur, ni le temps de cette surdité n'était en son savoir. Mais s'il n'avait pas vérifié, du moins seul, c'est qu'il craignait terriblement la sanction la plus lourde et qu'il était incapable de l'affronter. L'espoir encore le retenait. « Je ne sais pas ce que je suis venu chercher très exactement ici... Mais je n'avais plus rien là-bas qui vaille la peine d''y rester. Oui, j'aurais pu t'appeler. Peut-être serais-tu venu. » Mais il n'avait jamais eu le courage de se résoudre à cette faiblesse. « Mais serais-tu resté ? » Ou irrésistiblement, aurait-il voulu repartir pour l’Écosse ? Y avait-il autre chose qui, ici, valait tant son pesant d'or ? Allongé toujours, il se retourna pour lui faire face, tout contre lui, et poursuivit si bas, tant il avait honte de ses propos : « Tout ce que j'avais, tout ce que j’idolâtrais, tout ce que je chérissais avait pris son envol quelques semaines plus tôt pour Crimson Peak. Le seul désir auquel j'aspirais, l'unique présence que je revendiquais, il me tardait de la retrouver. Dussé-je la décevoir, dussé-je l'entendre gronder, dussé-je à ses prunelles me confronter, pour sa confiance me soit accordée. »

Il leva la main, pâle, tremblante, pour choyer la joue de son aînée, à peine frôlée, geste hésitant et pourtant désiré. Puis, inquiété par ses précédentes observations, il questionna d'une voix blanche : « Te brûlé-je ? » Là était peut-être la vérité. Peut-être lui faisait-il mal, que son contact l’insupportait. Il accola sa dextre onctueusement contre sa peau, de son pouce caressait ses lèvres, sa mâchoire, méditatif, attention adsorbée par ce que ce digit explorait, alors que son manque grandissait. Voix sublimes, voix d'outre-temps. Rongé, privé du deuil de son épouse et de son enfant, incapable aux pleurs, il dépérissait à petit feu. Suppliant, enfin, il lui réclama comme on attend son salut : « Fais couler mes larmes, je t'en prie. » Il ne le pourrait pas. L'impossible : voilà ce qu'il lui demandait, comme un gamin qu'Howard aurait trop gâté, comme si ce genre de chose se faisait sur demande.
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Howard Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyDim 30 Aoû - 19:45


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“SI LA LIBERTÉ GRISE, LA FAMILLE RASSURE.”

Silence, oh, mortel silence, habituel délice, présent supplice… Silence, insupportable silence, tandis qu’il attendait, patientait, suppliant inquiet. N’accepterait-il pas de se confier ? N’accepterait-il pas de lui révéler ce qu’il désirer, ce soulageant d’un poids et lui donnant la possibilité de l’aider ? Le pouvait-il seulement, l’aider ? Il ne savait, bien que, farouche désir, il veuille l’affirmer… il l’affirmait, en vérité, et s’en persuadait. Mais à éteindre cette petite voix froidement objective il ne parvenait. Cette petite voix qui lui soufflait que malgré toute sa bonne volonté, il n’était pas tout puissant, et que ce que cachait le silence de se frère pouvait s’avérer bien au-dessus de tout ce qu’il était capable de pourfendre. Assister son frère, le défendre, voilà bien son devoir le plus sacré, si tant est qu’il ose user de pareil terminaison… mais en cet instant, quoi qu’il ne veuille pas l’avouer ainsi, il ne pouvait agir sans son aide, du moins pas de façon pertinente. Morghann seul possédait la clef qui permettrait de le soulager. Et ce silence le tuait… car en son sein, son précieux frère se délitait. Lui qui pourtant se faisait du silence l’apôtre déterminé voulait soudain l’emplir, le souiller, le briser, pourvu que cela amène son jumeau à enfin s’exprimer et de cette souffrance les acquitter. Mutisme complet qui persistait, encore et encore, faisant de chaque instant une douloureuse éternité, à tel point qu’il crut se sentir l’impulsion de le frapper pour l’obliger à réagir. Etait-ce pour cela qu’enfin il accepta de s’exprimer, ou bien était-ce simplement la coïncidence qui de lui se jouait, attendant l’ultime instant, l’ultime moment de patience près à se rompre pour se dévoiler ? Aucune idée, et d’ailleurs, ça n’avait déjà plus d’intérêt, passagère contrariété.  

Relevant légèrement la tête, il lui confia toute son attention, ses traits tendus et tirés par l’inquiétude qu’il ressentait. Et en quelques mots, il le glaçait bien au-delà de ce qu’il avait pu imaginer, se sentant, d’un seul coup, bien sot, d’avoir cru que la pire menace qui pourrait, sur lui peser, serait celle de la guerre qui se préparait au sein de leur famille déchirée. Jamais il n’aurait pensé que Morghann puisse avoir la folie de jouer sur un terrain aussi miné… De jouer avec Mort. A ses yeux, cela ne pouvait lui ressembler, et pourtant la réalité rappait, durement, puisque c’était de cela qu’il s’agissait. Avec Mort il avait joué ? Elie était donc responsable de son état, de sa soudaine surdité ? L’idée lui serra la gorge. Qu’avait fait Morghann ? Avait-il réellement fait quoi que ce soit qui expliqua cela, ou était-ce une nouvelle lubie de son démon de concurrent pour l’atteindre lui ? Jamais il n’avait parlé à son cadet de ce qui se tramait entre lui et Elie, s’il l’avait fait… cela aurait-il pu l’épargner ? Ou simplement le mettre en garde, le préserver le… Non. Avec des si, c’était le monde que l’on refaisait et si c’était instinctif il ne pouvait perdre son temps en d’aussi oisives idées. Et de toute façon, Morghann poursuivait, mieux valait donc l’écouter. Et le récit qu’il dépeignait était poignant… Non qu’il put dispenser la moindre pitié envers cette traînée qui avait réchauffé le lit de son frère pendant des années, mais il était évident que d’une façon ou d’une autre, inconsciente ou non, cela avait touché celui qu’il chérissait. Peut-être même était-ce plus douloureux encore, justement parce qu’il n’en avait pas conscience….

Torsion de l’estomac, dans son cois discret, tandis qu’il prenait lentement conscience de la jalousie qui le rongeait à l’écoute des souvenirs partagés. Entendre le trépas conté lui était plus aisé que de devoir supporter sa satisfaction, quant bien même elle était sans doute méritée. Ce n’était pas ainsi, qu’il se devait de réagir, ça n’avait rien d’acceptable socialement parlant, mais il ne pouvait s’en empêcher… Même en s’ingéniant à enterrer pareille idée, elle finissait par germer à nouveau, plus sinueuse que jamais. Alors, tout en la tempérant, il l’acceptait, et la taisait. Cette Kessy n’avait jamais été assez bien pour lui, une simple humaine sans la moindre singularité… Il se demandait encore pourquoi Morghann l’avait choisi et acceptée. Pourquoi elle, pourquoi son sang souiller avec un héritier qui n’aurait ni leur talent ni leurs qualités…. Il avait beau respecter la vie dont ce rejeton avait été gracié par son frère bien-aimé, il n’en restait pas moins que jamais il n’aurait été à sa place avec le reste de la lignée… Morghann y avait-il seulement pensé ? Non bien sûr, et cela à ses yeux ne devait plus avoir d’importance, mais s’il avait pu jouir de la paix, c’était encore une fois grâce à lui et à ses décisions. Et cela alimentait également, quoi que peut-être étrangement, cette jalousie qu’il contenait. C’était ces créatures pour qui il avait bâti, et détruit, leurs œuvres à tous deux. Non, il ne pouvait réellement se lamenter sur ces décès… et, cela allait sans dire, sans l’avouer. Quoi qu’il doutait que Morghann en fut surpris.

Etrange ambition, que celle qu’il lui dépeignait, mais plus encore, singulière affirmation, qu’était le rejet de tout sentiment… il ne parvenait pas à y souscrire, sans pouvoir le déclamer. A la place, il imaginait comment tout cela avait pu se jouer, et qui les avait à ce monde arraché. Etait-ce Elie qui avait lui-même décidé de les exécuter ? Avait-il même la moindre part dans ce vol éhonté ou était-ce simplement de la vie la cruauté, coïncidence acharnée qui avait alors servit le prince damné ? Etrangement, il ne parvenait pas à croire à une quelconque naturelle duplicité, d’un destin que l’on n’acceptait que lorsqu’un événement majeur se produisait… Il ne parvenait pas à s’ôter l’image de l’arme telle que Morghann la décrivait, mais dans l’écrin de la main du démon posée. Il parvenait, avec une terrifiante précision, à sculpter la haute stature, l’expression qu’il aurait pu arborer, sa posture ou encore ses pensées. Le résultat était aussi perturbant que satisfaisant, et il se prit à se demander réellement ce qui lui prenait… Peut-être était-ce simplement la beauté d’une sauvage icône qui, en toute objectivité, l’impressionnait. Mort donnant la Mort, répendant son bienfait. Pourtant, toute esthétique conservée, une arme à feu n’aurait pas été ce qui le mettrait correctement en valeur, mieux valait un bon acier, pour souligner la majesté… Et lui devrait réellement penser à ne pas se laisser entraîner dans pareilles rêveries, venues d’il ne savait où, ou il risquait de le regretter….

Pinçant les lèvres, il chassa sa déraison, pour se concentrer sur l’oraison qu’il poursuivait. Il avait joué, et il avait perdu… Il ne pouvait plus guère en douter,  et même s’il aurait pu lui rétorquer qu’il ne payait que le prix de son propre pari, jamais il ne le ferait. L’affliction qui l’accablait parlait pour elle-même, et n’avait nul besoin d’être aggravée. Encore moins quand il avait dit qu’il l’aiderait… Même si Morhgann n’avait que ce qu’il avait assumé pouvoir payer (mais l’avait-il même compris, ce prix ?), il restait son frère, la personne qu’il affectionnait et protéger… et savoir que l’on avait attenté à son intégrité, qu’il souffrait, et se lamentait ne pouvait que lui être détestable et son ire attiser… une rage bien différente de celle qui avait explosé à peine plus tôt, une animosité froide mais passionnée, mauvaise et rusée. En lui soufflait soudain le besoin, la nécessité de nuire et de blesser, de détruire et de profaner. En lui griffait une créature sourde et étrangère, inhumaine dans sa volonté. Une créature dont les murmures lui couraient dans le corps, caressant ses nerfs et venant dans le creux de l’oreille se nicher pour susurrer les odieux sacrilèges que le coupable subirait. Il l’écoutait, cette ire grisée, outrageuse dans sa partialité. Parce qu’elle représentait tout ce à quoi il aspirait, dès lors que, contre sa famille, une insulte on commettait. Et c’était, là, pire qu’une insulte… bien pire en vérité. Sourd au conflit que Morghann soulevait, il le regardait pourtant qui se retournait, se jurant intérieurement de s’en aller faire le siège des pénates du démon dès qu’il le pourrait…

Et s’il fallait alors l’affronter ? Sans doute, oui, il le ferait. Pour lui, c’était le monde entier qu’il détruirait, ravagerait… Son souffle légèrement saccadé venait s’échouer sur sa tempe, tandis qu’il l’observait, attentif enivré qui discernait les contours d’une utopie qu’on lui destinait, sans parvenir à en saisir l’essence et se retenant ainsi d’en briser le fil, jugulant l’impatience. Par ses mots, envoûté, il était moins conscient de leur proximité la reléguant à l’état de secondaire détail tandis que son gémeau poursuivait. Presque comme un enfant, il recevait sa confession, car comment douter que c’était là la teneur que le message recelait ? C’était là ses sentiments à son égard ? C’était là ce que, pour lui, il ressentait ? Cette affection, cette admiration ? Pouvait-il vraiment les réclamer, s’en croire le possesseur satisfait ? Son cœur se serra, s’emballa, semblant soudain poignardé… il ne savait comment agir, réagir, face à pareille sincérité. Jamais il n’y avait été habitué, quant bien même et de tout temps il y aspirait… Que l’affection qu’il lui portait soit retournée avait toujours été son souhait, que Morhgann le chérisse comme lui le chérissait… mais alors qu’il lui donnait soudainement tout ce dont il avait rêvé et plus encore en ces simples mots concrets, il ne parvenait pas à savoir comme il était censé les accueillir et y répondre. Non il ne pouvait s’y tromper, ce que son jumeau lui avouait lui était destiné, à lui et à personne d’autre…

Et… pourtant… il ne savait pas quoi faire. Il ne savait pas comment agir, ou quoi répondre… tout simplement parce que… jamais il n’aurait pensé l’entendre, ou l’apprendre… dans ses rêves les plus fous, c’était quelques vagues sous-entendus qu’il grappillait, guère plus, mais cela lui suffisait pour se conforter et continuer à s’échiner… alors obtenir autant, et en pareil instant… C’était comme d’offrir à une souris de dévorer toute la fromagerie… et il était cette petite souris à la fois comblée, fascinée, touchée et apeurée, qui craignait d’agir, pensant que le rêve se briserait… Mais c’était… aussi beau que suspect, vraiment, pourquoi subitement ? En quelques instants, surprise émue se transformait, de méfiance se parait aux derniers mots prononcés. Sa confiance ? Noble aspiration que celle-ci, mais s’exprimait-il alors uniquement pour l’amadouer ? Cet aveu n’était-il là que pour lui donner un os à ronger, le dompter et le dresser, évitant à Morhgann ses fouets ? Peut-être, mais quelque chose lui disait que malgré tout, ce n’était pas cela, qu’il était sincère, quoi qu’il aspira bien à obtenir… Non, il ne le lui avait jamais refusé, confiance il lui offrait, mais ça ne voulait nullement signifier qu’il le laisserait en pièces se faire tailler. « Je ne te l’ai jamais refusée…  » Ce n’était pas de confiance dont il était question, car confiance, oui, il avait… mais justement, il lui faisait confiance pour vivre ce que lui ne pourrait, il lui faisait confiance pour se réaliser.

Il le regardait, les yeux sensiblement vitreux, les traits tirés, sourcils légèrement froncés ; doutes et certitudes valsant dans son esprit comme une étrange liqueur et il cilla lorsque ses doigts il approcha. Un instant, la crispation le prend, puis il se force, se détend, les paroles offertes aidant… Il le laisse faire, quant bien même le malaise reste présent, et à la question, souffle, tout bas : « Non ». Non il ne le brûlait pas, ce n’était nullement sa faute en fin de compte, c’était la sienne… Parce que son esprit comme son corps ne supportait pas les touchés, parce qu’un jour, quelque chose en lui s’était brisé… Non cela ne le brûlait pas, cela lui répugnait sans qu’il comprenne bien pourquoi. L’approche que Morghann effectuait le déstabilisait, il ne la comprenait pas, ne voyait ni son utilité ni sa teneur mais… c’était son frère, son adoré, alors il le permettait, docile sous ses doigts, lui permettait de le toucher, frôlant même un instant sa main de la sienne, celle dont il n’usait pour se soutenir, se soulever. Ses lèvres bougent, très légèrement, presque timidement, sous le passage de son pouce, comme pour en tester le mouvement et la douceur, mais c’est bien tout ce qu’il s’accorde, refusant de s’avouer troublé alors même qu’il l’était… Bris lorsque de lui, il s’éloignait, pour moitié soulagé, pour moitié étrangement frustré, qu’il ne continue pas ce qu’il faisait. Mais incapable de lui demander de ne pas s’éloigner, les mots dans sa gorge nouée.

Bien lui en prit. Frappé par sa supplique, il resta de longs instants, complètement immobile, yeux légèrement écarquillés, ne pouvant lui cacher la surprise dont il était sujet. Faire couler ses larmes ? Demande désespérée et qui le broyait… le voyait-il comme un faiseur de miracles, comme un père invincible qui ne pourrait que tout arranger ? Il le voyait… comme il avait sans doute voulu que Morghann le vois, et s’était à lui qu’il devait s’en prendre, lui-même qu’il fallait vilipender. Faire couler ses larmes… lui qui jamais ne pleurait ? Cela ne se pouvait, jamais il ne réussirait… un bref instant, au désespoir il se sentit céder, de ce qu’on lui demandait, avant que sa détermination ne s’élève, ferme. Il y arriverait, même s’il devait user d’artifices pour cela, et il lui donnerait ce qu’il demandait…. Silence un bref instant, pour se recomposer, puis, en se refusant d’hésiter, il prend sa main et la serre dans la sienne, se penche vers lui pour de sa main son visage entourer, son front contre le sien accoler. Bref inspiration, ses mains tremblantes se resserrant, ses cheveux et sa peau caressant… Parvenir à un mot, un geste doux est une épreuve qu’il ne peut surmonter, sans doute, alors il se redresse, soufflant son accord, soufflant sa promesse, celle de le délivrer. Une idée se forme, qui déjà le ravage de culpabilité, mais qu’importe… il l’a demandé, la supplié, il le lui a demandé, alors il ne peut se dérober.

Se redressant, il quitte avec gêne le lit, ramassant précautionneusement ses effets et les enfilant difficilement, contre le pied de bois prenant un solide appui. Les mouvements ne causent aucune douleur réelle, uniquement de l’inconfort, et la substance une distorsion de la réalité qu’il a appris, depuis le temps, à contrôler. Son visage d’impassibilité lissé, il termine de se rendre présentable puis, jusqu’à sa canne, boitille, imperméable à l’image qu’il donne de lui, pathétique sans aucune doute. Peu importait. A nouveau-lui-même, au moins en apparence, il tend la main vers sa parenté, invitation muette à le suivre, sûreté du regard qui affirmait fait-moi confiance, tu me l’as demandé et attendant, qu’il le rejoigne avant de quitter la pièce de leurs tumultueuses retrouvailles pour s’éloigner dans le couloir au sol velouté d’un tapis raffiné. Lente migration de deux âmes esseulées, qui malgré leur proximité souffrait d’un mutuel silence semblant impossible à percer. Ensemble, ils descendirent le grand escalier, Howard se refusant à demander un soutient, alors même que son claudiquement s’était accentué, par leur affrontement corroboré, bien qu’il n’en sentait pas la morsure acérée.

Bientôt, ils furent à l’extérieur, en cette fin de journée tempérée qui avait pourtant augurée une douce et paisible soirée, comme pour mieux les moquer. Sans chercher à cacher sa destination, l’aîné se dirigea vers les tombes enténébrées, se perdant dans le cimetière en cette compagnie attristée… Morhgann était à ses côtés, il le sentait plus que jamais, tout son être vers lui tendu, à lui lié, alors qu’un doux murmure parcourait ses oreilles. Son frère entendait-il ? D’un regard il s’en assura, tournant la tête en prenant garde à son environnement, ne désirant pas trébucher sur quelque chose, et il fut forcé de constater, à son expression, à de petits détails presque effacés, que son cadet souffrait encore et sans doute plus encore. Il s’agissait de disparaître entre les hauts sépultures, de se dissimuler et dans l’atmosphère austère des lieux, il retourna volontairement le couteau dans les plaies. « Les entends-tu ? » Réponse viendrait, ou se refuserait, mais ils avançaient, entre les tombes d’aïeuls égarés dont il avait pourtant dû, dans leur jeunesse, étudier la postérité autant que les faits. Un instant, il fut contraint de cesser son avancée et contre la pierre froide d’un tombeau d’extérieur posa une main, se soutenant et soufflant avant de se redresser, et d’aller de l’avant…

Bientôt, et aussi hors de vu qu’il pouvait se permettre de braver ce lieu en temps normal, il indiqua un caveau à l’ouverture libérée. « Descend avec moi » Et ouvrant la marche, il s’y aventura, les escaliers raides lui demandant du doigté et de l’attention pour ne pas glisser jusqu’à cet espace enterré et humide, vaste salle à l’odeur de renfermer et de légère décomposition, trop fraîche pour appartenir aux décédés auxquels on avait destiné le monument présent. Il y avait là plus qu’il n’aurait dû, matériel chirurgical et hygiénique, et de vitales commodités, des chaises aux lampes ambrées…  C’était là une retraite singulière qu’il s’était créé, avec ce qu’il nécessitait pour la pratique d’opérations autant que pour le repos de son corps éreinté après les heures de pratique clandestine. Dans l’espace clôt, le claquement de son support fait écho, se répercutant tandis qu’il avance jusqu’à un autel de pierre aux gravures cabalistiques, l’y conduisant, puis sa main prenant, son regard clouant, du sien ravageant, ferveur fidèle et purificatrice, de lui le rapprochant et sa canne posant… « Morghann… » Front contre le sien, à nouveau, souffles se mêlant, sa gêne secondaire aux besoins de son frère… Yeux fermés alors qu’il soufflait ses adjurations. « Pour toi, mon frère, j’officierais, mais si ma confiance tu désirais, c’est la tienne que je vais prier..  »

Aux épaules le saisissant fermement, voulant lui communiquer l’urgence qu’il ressentait « Je t’aiderais, tes larmes je ferais couler et ma confiance je te donnerais… si de la tienne tu peux me favoriser… sur l’autel, allonge-toi, abandonne-toi, à mes desseins et je te libèrerais, pour un court moment ou toute l’éternité si tel est ton souhait… Dénudes-toi si tu le permet, quand bien même la pierre devait te glacer, ce ne serait pas long et je te le ferais oublier… » Ancre sur son corps de tissu couvert, son regard brûlant comme milles enfers d’héraldiques brasier, sa respiration, ses mots comme d’intimes promesses proférés, fébriles prières enivrées « C’est ta volonté, à laquelle aujourd’hui je me plie… »
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Morghann Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyLun 31 Aoû - 17:32


    You are MeNow,
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    Abysses ténébreuses face à face, son jumeau apaisait son tourment. Si seulement il avait pu s'y noyer, révoquer ce qui le rongeait. Animal terrorisé, affligé, éperdu, dans les prunelles de son frère, le mal n'était plus. Opium contre ses affres d'épouvante. L'opium ne soigne pas, elle apaise. Combien de temps tiendrait-il alors, Voix manquantes, dans les limbes de inconscience quand l’hérésie gagnait du terrain ? Combien de temps encore ? Une semaine, un mois, un an ? Son frère resterait-il près de lui au cours de sa longue agonie, supplice sans terme, sans issue autre que la perdition totale ? Ou se désintéresserait-il ? Se lasserait-il de cet être puéril qui d'erreurs pave son itinéraire ? Jeune enfant, à ces Voix, il s'était accommodé, même si leurs murmures incessants avaient bien failli l'ébranler, elles avaient été ce qu'à tout autre était le silence : une habitude sans inquiétude, pareille normalité. Il avait alors échafaudé sa propre échelle, à lui seul adaptée : les Voix étaient son silence et le silence sa cacophonie. Terrible croisement qui aujourd'hui seulement le torturait. Une si longue acclimatation pour que ce lui soit retiré. Eurynome, à genoux, il voulait supplier de lui rendre ses compagnes éthérées. Oh oui, à ses pieds il se jetterait, autant de serment qu'il faudrait il s'y lierait, qu'il vende mille fois son âme au Diable, il l'aurait déjà fait. Qu'on lui ôte toute chose au monde, il l'accepterait, si son frère et ses Voix il pouvait conserver. Eurynome, il le retrouverait, son enveloppe mortelle lui était apparue, là-bas, dans le salon. Il savait quel était le visage dont il se paraît. Il le traquerait, même si jusqu'en enfer, il devait aller pour être libéré ou plutôt de nouveau enchaîné à cette anormalité qu'il avait faite sienne. Il le retrouverait, lui seul pourrait lui rendre ce qu'il lui avait ôté, si son pardon il implorait. Il abjurait autant qu'il serait nécessaire, son fléau serait sien. Mais avant, il avait besoin d'Howard. Une semaine avait déjà été si longue et Eurynome introuvable. Peut-être que son frère saurait le guider. S'il lui demandait. Il fallait lui demander. Il essaierait.

    Il avait sa confiance ? Il avait ouvert la bouche, prêt à répliquer une nouvelle ineptie, lui clamer combien c'était faux, que son jumeau l'avait abandonné pour revenir ici car de confiance pour lui il manquait. Le sous-estimait-il alors ? Le pensait-il incapable ? Croyait-il qu'il ne saurait résister à l'assaut familial après toutes ces années à avoir été mis en prudence par son frère ? Dans sa gorge, les propos demeuraient et ne firent surface. Howard avait raison, mille fois raisons, mais tout son être voulait protester, s'insurger, s'opposer à cette évidence qui le touchait. Il réalisait cette confiance qui lui avait offerte éperdument, les sacrifices qu'il refusait de voir et qui pourtant devant lui explosaient. Pauvre frère à ton terrible jumeau enchaîné, pour qu'au bonheur l'autre soit convié, et soi écarté. Les remords l'accablaient, plus encore que son désespoir. Les mots si fascinants de son frère venaient de le souffler. Château de cartes, il s’effondrait, se retenait à ce qu'il pouvait. Ses yeux. Voilà, ces yeux gémellaires. Liqueur, succulent nectar dont il s'abreuvait, enivrant tombeau qui l'épaulait, absorbait, il ne le lâchait même si gênant il devenait tant il était appuyé, pourrait-on dire avec violence. C'était cru et désœuvré, sans artifices orné, c'était poignant ce regard qu'il lui confessait, ouverture béant sur le néant vers lequel ses forces étaient drainées. Magnétisme séduisant qui l'attirait, sa main il leva vers lui. Son jumeau se crispa, lui, l'interrogea, non, il ne le brûlait pas. Qu'était-ce alors ? Refus, puis acceptation, les deux amalgamés donnaient à son geste une certaine tranquillité. Sa peau vivait sous ses doigts, ces lèvres, insensiblement, réagissaient, répondait à ce contact, le premier. Avait-il fallu tant de temps pour qu'enfin, ils se retrouvent ? Avait-il fallu un déchirement, sournois éloignement pour qu'il réalise l'ampleur de ses sentiments, de sa volonté, près de lui de s'établir, construire avec lui ce havre de paix qu'Howard avait  rêvé ? Il l'aiderait, sans plus savoir ce qu'il était venu bâtir ici. Il l'aiderait, le suivrait, marcherait dans ses pas. Son jumeau se détachait, la panique noya ces prunelles alors qu'il avait, jusque-là, trouvé un inattendu réconfort à son contact.

    Une vague d'angoisse déferla soudainement et traçait son chemin de croix. Alors il le supplia, demande extrême à situation suprême. Il voulait pleurer. Son deuil pour sa femme et son fils n'avait pu être exécuté. S'il n'avait eu que peu d'amour, au fond, pour eux, ils avaient été son quotidien, cocon où il s'était réfugié et qu'on lui avait arraché par deux balles à bout portant tirées. Il avait besoin de ce deuil pour que la souffrance soit éloignée, du moins pour un temps. Sa peine devait éclater, il devait la connaître pour que du bonheur, il puisse se réjouir ensuite et se rassasier.  L'un n'existait pas sans l'autre. La surprise qu'il lisait sur le visage de son frère le décontenança. Que lui avait-il pris de lui demander cela ? L'impossible, l'avait-il pris aussi omnipotent que cela ? L'hésitation le crispa, c'est vers son affliction qu'il s'apprêtait de nouveau faire route mais les mains d'Howard lui présentèrent leur lot de consolation. Front contre le sien, surplombé par son aîné, il fermait les yeux, se délectant du confort de cette proximité. Caresses fraternelles qui tremblaient mais dans son écrin de velours, ce cœur battait, sa respiration se hachait, si bel et si bien qu'il la retint tout bonnement, souffle coupé. Une inaccoutumée idée le saisit : celle de dérober ses lèvres et d'en faire son sursis. L’asphyxie à ce blasphème l'étouffait si bien que lorsque son frère s'écarta, promesse formulée, il en fut extrêmement soulagé, autant qu'il était frustré. Un geste de la main qui dans la vide se referma. Un coup pour rien : il aurait voulu le retenir mais n'y parvint pas. Son corps se figea, allongé sur le dos, yeux obnubilés par le plafond tandis que son frère se recouvrait. Ce geste profané, il l'imaginait alors que sa respiration reprenait, haletante sans rien avoir fait, sous le joug d'un affront fantasmé. Ankylosé d'une chimère extravagante, il se ressaisit enfin lorsqu'il vit Howard lui tendre la main. Il se leva d'un bond, nus pieds et marcha – accourut – saisir sa dextre et l'enserrer sans mot dire et sans prendre le temps de remettre ses chaussures qu'il avait saisies, en toutes hâte, à la main. Ces pieds s'enfonçaient dans ce duveteux tapis, confort d'apparat pour une cruelle famille, ils descendirent, sortirent, chaussures remises.La terre rendue boueuse par la brume et l’humidité ambiante de la dernière averse glissait sur ses chausses, et son jean sombre, aussi aisément qu'il aurait sali ses Dr Martens à chaque fois qu'il traînait dans un cimetière. Aphone et placide, il le suivait ne se doutant d'où ils allaient mais lorsqu'il observa les contours des tombes naître dans la brume légère, son cœur manqua un battement, son inspiration brutalement fut bloquée, sa main dans celle de son frère brusquement tendue. « Howard... » souffla-t-il d'une voix brisée. Il ne voulait pas y retourner, il marchait moins vite tout d'un coup, traînant, presque à reculons, serrant sa main comme pour le retenir, l'empêcher de l'y conduire et pourtant, il le suivait encore, avançait, bête apeurée, queue entre les jambes, oreilles rabattues, prunelles affolées. Silence macabre pour les autres, cacophonie pour lui. Les Voix, il ne les entendait plus, les murmures défaillants le plongeaient dans les ténèbres. Il tremblait, tournait sur lui-même par moment, suivant toujours son jumeau néanmoins, il cherchait du regard une sépulture qui, à son appel désespéré, répondrait. Aucune ne se manifestait. Qu'ai-je fait? Angoisse, consternation, l'envie de hurler à pleins poumons. Mais pour appeler qui ? La seule personne qu'il désirait se présentait déjà à ses côtés. Remords, destructeurs remords qui s'épanouissaient, le brûlaient de l'intérieur, étreignant ses viscères. S'il les entendait ? Amère ironie que cela qui tout son être ébranla. Non, il ne les entendait pas. Le souffrir était déjà néfaste, le prononcer de vive voix serait pire encore. « Eurynome... Je dois le trouver.. Implorer son pardon... Qu'il me rende ce qu'il m'a enlevé... » Paroles fiévreuses d'un cœur perdu en plein océan, ravage virulent qui eut à peine quelques attention pour descendre l'escalier sans tourment. Sur la dernière marche néanmoins son avant-bras s'agrippa à la roche, blessure saignante et pourtant sans douleur : les affres de sa peine l'emplissaient suffisamment.

    Ses prunelles d'obsidienne s'épanchèrent de l'ésotérique berceau qui ravirait plus d'un nécromancien, lui en premier lieu. Il s'était attendu à dénicher des catacombes, aux sépultures anciennes, odeur de mort et os en poussière, mais il s'agissait là d'une toute autre commodité. Son aîné devait ici officier illégalement, satanique aliénation. Nulle outrance à sa passion qu'il partageait, mais un grand étonnement de cet endroit, cette retraite qu'il n'espérait. Ici, il imaginait son jumeau pendant de longues heures sur un agonisant se repaître, lui arracher, sans précipitation aucune, son dernier souffle, ultime cri d'une vie. Ici, il devinait le havre de paix, loin de cette famille que son jumeau blâmait. Ici, repos mérité, aise et paix à son âme. Ici, le bonheur de son frère se trouvait. Ici, il reviendrait assurément, ne serait-ce que pour se poser, sans un mot, sur une chaise et contempler la félicité gémellaire. Il ne l'ennuierait pas, ne le dérangerait pas, il se fondrait dans les meubles pour pouvoir approcher, guetter son quotidien. Sonné par le vide qui l'emplissait, machinalement, il errait dans son sillage divin. Son front contre le sien, son nom prononcé dans un souffle qu'il sentit atterrir sur son visage. Un frisson le saisit à mesure qu'une idée folle, grandissante, faisait sa place dans son esprit. La torture. Voilà ce qui l'attendait. Un extrême pour le tirer aux larmes et un extrême, il fallait, aussi terrible soit le tableau qui se peignait là, confiné en ce repère secret, c'était une issue favorable à ses pleurs. Confiance qu'il lui réclamait, mais sa terreur le fit bégayer : « Q-Que vas-tu... ? » Il fut stoppé par ces mains saisissant fermement ses épaules. Il comprenait et ne voulait s'y résoudre, pourtant le fallait-il. Il se noya dans les flammes infernales qui emplissaient ses yeux, se laissa dévorer par elles, consumer, convoiter. Il se laissait posséder, docile, hypnotisé, ses propos faisaient leur route jusqu'à l'acceptation, aussi folle soit l'idée dont il ne distinguait qu'à peine les contours, pour son plus grand bien. Leurré par un amour sans bornes, il se formait à la domination aînée, s'offrait, s'abandonnait. Sa respiration chaotique, à ce contact, se calmait. Confiance, oui, il l'avait. Il en avait toujours joui, et ce malgré les manœuvres farouches du cadet. Sa dernière bavure, sa venue à Crimson Peak n'était que le fruit d'un désespoir apeuré, non pas d'une insurrection volontaire même s'il aurait aimé l'afficher comme tel. Ensorcelé, ébloui, il leva ses mains à sa chemise qu'il déboutonna posément, son regard dans le sien, pour le capter, ne pas le déshonorer ou le laisser s'échapper : si c'était le cas, peut-être se serait-il enfui en courant. Howard devait bien le soupçonner lui aussi, que tout cela ne tenait qu'à un fil, que son cadet pouvait précipitamment se hâter, disparaître dans le cimetière et rugir son agonie sans jamais pouvoir sangloter, et vers la folie, sournoisement, s'effondrer.

    Il saisit son col et entreprit de laisser la chemise chanceler : ses mains se heurtèrent à celle de son frère, à ses épaules. Il passa dessous, sans brutalité, sur lui toujours fixé, ne laissant aux doigts d'Howard que sa peau frissonnante dépouillée du tissu qui la couvrait. Subjugué par les flammes dansantes, brasier infernal qu'il lui offrait, sa ceinture et son pantalon, il défaisait. Lien rompu, il dut se baisser pour achever sa nudité, affairé devant lui, jouet asservi à ses pieds, lorsqu'il se releva, c'est un regard de folie qu'il lui offrait. Seule sa volonté lui permit de rester devant lui, à soutenir son regard, s'abreuver de lui et se gorger de sa présence. Son souffle retrouvait sa stabilité un si bref instant évadée. Il prit ses mains dans chacune des siennes, longuement immobile devant lui, près de lui, puis contre lui lorsqu'à son front il accolait le sien. Paupières closes, mains étreintes, il sentait sa respiration, son souffle le hanter. Il aurait voulu l’attraper, les maîtriser, le contrôler, peut-être même le dévorer. Se saouler à son être, ivrogne de sa conscience, il y songeait, il entrevoyait cette possibilité. Il tremblait. Exalté et épouvanté à la fois. « Je t'appartiens. » fit-il tout bas. A lui, frère fidèle, il s'abandonnait, délaissait son libre arbitre à ce moment crucial où l'aide de son aîné, il avait réclamé. Il s'abandonnait à ses dessins, quels qu'ils soient, aussi terribles puissent-ils se révéler, aussi libérateurs puissent-ils incomber. D'un pas en arrière, il reculait, vers la stèle, il s'approchait, sans lâcher les mains de son frère qu'il emportait avec lui.

    L'autel glacial se fit sentir contre ses cuisses nues, lui arrachant une inspiration brève de saisissement. Les remords dans ses yeux explosaient, ce qu'à son cher aîné, il faisait subir : son retour d'abord, cette supplique ensuite. « Vers quels tréfonds suis-je en train de t'entraîner ? » fit-il pour lui, aveu de son affliction, de ses remords à l'égard du mal qu'il lui imposait. Torturer son frère protégé, rechercher ses larmes là où son bonheur avait été sa quête. Ignoble était sa volonté qu'Howard exécuterait. Ignoble et pourtant, il ignorait vers où il allait. Des regrets, il en avait et plus encore, la situation lui avait échappé. Confession à sa question posée : par celle-ci il montrait qu'il avait conscience des affres qu'il lui offrait, et dans un même temps, cette sensation qu'il avait de ne plus rien contrôler. Morghann lui délivrait une main pour qu'une caresse compatissante, sur son torse puis son épaule, il vienne l'honorer, après s'être assis sur la stèle. Ses doigts serpentaient le long de son bras jusqu'à son poignet auquel il passa un bracelet, son bracelet, amulette nécromancienne, appel aux esprits pour l'aider à accomplir ce qu'il devait sans faillir : « Exurgant mortui et ad me veniant* ». Perdre cette protection pour l'offrir à son jumeau ternit ses yeux, brisa quelque chose lui. Il se laissa choir sans précipitation sur l'autel, sacrifié, bras en croix, la main de son frère qu'il n'osait lâcher et qu'il serra longuement. Il ferma ses obsidiennes, ravala sa douleur, calma sa respiration. Progressivement, il s'abandonnait. Lentement, ses muscles se décontractaient. Nonchalamment, il relâchait sa main, dans une douceur infinie. Là, sur l'autel, nudité d'un endormi sublimée à la lumière ambrée de l'antre gémellaire, sur lui, portait l'ombre de son frère, ténébreuse et salvatrice. Là, sur l'autel, implorant mentalement les esprits de faire couler ces larmes brûlantes qui pour aucun mortel ne furent versées. Là, sur l'autel, Morghann chantait des litanies muettes, odes idylliques à son jumeau vénéré. Terrible poison qui dans ses veines coulait, hyménée libertine, mille fois plus fanatique qu'il n'aurait octroyé à tout autre qu'Howard, maître irréfragable de son être tout entier. *Que les morts se lèvent et viennent à moi.
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Howard Meyrick

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‹ L'ENDROIT : Entre ciel et terre, dans les ombres d'une guerre imminente, et silencieuse

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyVen 4 Sep - 19:31


You are me


“SI LA LIBERTÉ GRISE, LA FAMILLE RASSURE.”

D’Eurynome il voulait le pardon ? Il voulait l’implorer, porter sa cangue, sa domination… et cela, il ne pouvait simplement l’accepter. Il ne pouvait pas le supporter. Ce serait complètement au-dessus de ses forces que de garder les dents serrées et de le laisser s’avilir ainsi. Cette simple idée lui était insurmontable, une torture que son esprit ne pouvait que l’envenimer, l’imaginant prostré, le démon jubilant… et il ne voulait absolument pas savoir quelle était cette sensation de tension en lui à une telle pensée, car tout le reste de son être hurlait et se rebellait contre elle, ne désirant que la briser, la balayer. Non ! Il ne pouvait laisser Morghann commettre pareille folie ! Un pardon, de la part d’Elie ? Non, pardon il n’y avait, pour les pauvres humains qu’ils étaient, c’était un pacte que la créature proposerait. Un pacte pour arracher à son frère son intégrité, certainement, se repaître de sa détresse et en tirer tout ce qu’il pourrait, aussi mieux valait encore qu’il reste sourd indéfiniment. Ce serait dur, oui, il n’en doutait pas un instant, mais ce serait toujours mieux que de devoir le voir s’humilier, se flétrir, s’abandonner… S’abandonner aux jeux éhontés d’une entité qui s’en régalerait. Il en frémissait, tout son corps se tendait sous l’agressivité qu’il ressentait, qui naissait dès qu’il imaginait son frère s’ajouter au tableau de chasse, aux rangs des trophées… Et alors que dans son regard, il plongeait, tandis qu’il lui murmurait des mots enfiévrés, les paroles de son frère lui revenait, et l’encourageait, ajoutant au tumulte de ses pensées des sensations et des considérations… parfois tout juste esquissées, mais qui suffisaient tant à l’incinérer qu’à le glacer.

Si Morghann ne lui appartenait jamais, du moins n’appartiendrait-il pas Eurynome, c’était tout ce qu’il pouvait espérer. Et pour s’assurer qu’ainsi il en serait, Howard n’aurait absolument aucun scrupule à taire les relations qu’avec le démon il entretenait… Non, il ne pourrait l’y aider, il ne pourrait lui paver la voie vers cette calamité. Sans doute son frère le lui reprocherait s’il l’apprenait, mais tant pis, c’était un risque qu’il prenait. En toute connaissance de cause, et sans la moindre humilité. Pour lui cela ne faisait aucun doute, s’il se taisait, c’était uniquement pour son bien, son esprit se le hurlait, se le scandait sans arrêts. Cette volonté, que son jumeau avait énoncé, elle ne l’avait pas un instant quitté, elle était là, au creux de son esprit, et elle résonnait. Par les épaules il le tenait, lui offrant sa loyauté renouvelée,  lui offrant son zèle… L’encourageant également. Et en lui, alors même qu’il répétait sans relâche ce simple mantra, essayant de s’en persuader, se rependaient pourtant les sinistres volutes de desseins plus sombres. Devrait-il briser sa conscience désespérée, devrait-il le dompter plus encore, dévorer chaque once de sa liberté pour s’assurer qu’il soit sain à défaut de sauf… Que soit préservée son intégrité, au prix de son autonomie, mais mieux valait encore qu’à lui il s’offrit, plutôt que du démon, devenir le nouveau bibelot, qu’une fois lassé, il rejetterait, abandonnerait sans un regard en arrière. Oui, si dans le voile de la tyrannie il devait se draper pour son bien, il le ferait… et mieux valait encore que ce soit lui, son seigneur incontesté plutôt que celui qui aujourd’hui le détruisait.

Mais là n’était pas toute la vérité, quand bien même il était volontaire pour se sacrifier, pour souffrir de commettre pareille exaction quant bien même il se détesterait d’avoir été contraint à de telles extrémités. Jamais il n’abandonnerait la dominance de son cadet à qui que ce soit. Et alors qu’il l’observait, alors que de sa vue, de ses réactions il se gorgeait, sa détermination ne faisait que se renforcer. De fer et d’acier, et plus encore. Morghann lui remettait tout ce qu’il était, et il ne pouvait que l’apprécier, le savourer, plus encore qu’il n’aurait dû le faire, qu’il n’avait le droit de le faire. Plus encore qu’il n’était correct de le faire en vérité. Pourtant, il y cédait, se laissait dominer par ce qu’il voyait et ressentait, se laissait enivrer par l’aisance avec laquelle il semblait le contrôler, soudain, et le diriger. Sa fidélité, il l’avait toujours eut, en avait toujours jouit, et pourtant, cela allait soudain bien au-delà de sa simple allégeance, et c’était là ce qui l’attirait et l’effrayait de concert. Il y avait bien plus que cela dans le total abandon qu’il lui offrait… Pas un instant, il ne le relâchait, alors même qu’il suivait de l’esprit le plus infime de ses mouvements, dévorait le moindre frémissement de ce corps  qu’il guidait. De son regard, il ne se détournait jamais, ne cillait même plus, laissant ses yeux piquer et brûler, légère souffrance qu’il acceptait, un prix à payer pour l’échange qu’ils expérimentaient, pour la docilité que son frère montrait. Dès les premiers gestes, il s’était crispé, le corps tel une corde d’arc vers lui tendu, attendant, mais à son acceptation, ne s’était nullement apaisé, son tourment attisé…

Contact de sa chair sur la sienne, leurs moins jointes, sa poigne se relâchant à peine, dextre comme senestre se soulevant pour le laisser passer. Dépouillé du tissu qui le couvrait, c’est sur ses épaules nues qu’il appliqua son toucher, mains frémissant jusqu’au bout des doigts tandis qu’il le frôlait, hésitant, incommodé par son infirmité… par son incapacité à apprécier la proximité d’un corps qu’il tenait pourtant pour tellement précieux qu’il n’aurait hésité à se souiller pour le conserver intact. La peau était encore chaude à son contact, tiédissant déjà lentement dans la fraîcheur ambiante et l’humidité, et il le sentait… étrange fascination qui aux autres s’ajoutaient, sans doute plus innocente que nombres de ses assimilées. Sa peau qui tiédissait, comme celle d’un corps que la vie quittait, mais qui, alors, survivait. Pouvait-il le réchauffer ? Que se passerait-il, s’il le réchauffait ? Si de ses bras, il l’enlaçait, l’enveloppait. Mais non, il ne pouvait oser, ou bien était-ce simplement que si frêle et si insignifiante ardeur se serait que tout ce qui l’écrasait et l’empoisonnait ne pouvait s’en contenter, encore moins à la vision affairée qu’il lui dédiait. Oui, ce n’était qu’un grain de sable dans une tempête, un désert… celui de son attrait corporel, qui s’inclinait, abdiquait face à la tension, à l’excitation que lui procurait ce dressage inopiné, ce sauvetage affligé. Droit et immobile devant sa parenté brisée, subjuguée… Dans ses yeux, il le voyait, il la voyait, cette lueur de démence affamée. Et s’y plongeant, il oubliait l’altruisme, il oubliait, l’espace d’un instant d’éternité, ce qu’il avait voulu accomplir et sauver.

Un sombre voile sur ses yeux s’abaissait, conséquence de ce qu’il avait senti en lui grandir et qu’il avait nourrit, cédant à sa faiblesse tant qu’elle restait en lui nichée, sans rejaillir sur quelque être qui près de lui allait. Pourtant il lui cédait désormais, pendant ce qui semblait n’être que quelques battements de cœur, et qui pourtant lui durait des éons complets… Il voyait sa démence, il voyait sa servilité, confiante et rassurée… et il s’en délectait. La buvait comme le meilleur des vins jamais créé. Un instant, il ferma les yeux, se dérobant à cette vision, uniquement pour la sublimer de son imagination torturée. Souffle relâché, tremblant, sans qu’il ait conscience de l’avoir retenu précédemment, sourde exhalation de ce qui l’emplissait, le lacérant intérieurement. Il se sentait la tête légère, légèrement enfiévrée, embrasée par la certitude de le contrôler, par la certitude de son autorité soudainement incontestée. Alcool sans nom, meilleur que le vin, meilleur que la plus pure des liqueurs… il la sentait sur sa langue, et dans ses veines, l’emplissant d’une pétillante exaltation. Soudain, il était léger, ses courbatures oubliées, son infirmité un détail passé… soudain, il se sentait renaître, un autre homme aux pouvoirs traîtres, tels qu’on les lui avait plus d’une fois esquissés, rêvés, pour l’appâter et le charmer. Il aimait ce qu’on lui offrait, et il voulait le conserver, il voulait pouvoir s’en délecter tant qu’il le voudrait, même si cela impliquait trahir ce qu’on lui confiait. Parce qu’il se sentait soudain si bien, comme si on lui permettait de s’évader de ses souffrances. Parce qu’à travers de sa servitude acceptée, offerte, il obtenait ce qu’il n’avait jamais daigné reconnaître nécessiter, alors que ses yeux s’ouvraient à cette réalité.

Il lui appartenait oui. Morghann lui appartenait. Et lui pouvait le cultiver, le rependre même s’il le désirait… que d’autre ainsi, lui remettent les chaînes de leurs existences, à lui se remettent entièrement et lui offrent plus encore de ce sentiment, de cet épanouissement. Tenir entre ses mains les existences de ces vivants était plus exaltant que de manipuler des corps déjà froids et décédés, plus exaltant encore que toutes hérésies qu’il avait fait naître et quelque part, peut-être comprenait-il finalement, au moins en partie, ce que son frère avait désiré. Mais quelle importance ? Que ce soit la vérité, ou que ce soit un songe immérité, ce qui restait était cette étourdissante félicité. Et son front contre le sien, leurs souffles se mêlant, il se tendait plus encore vers ce qu’il était, ce nexus impalpable que son corps renfermait, alors même que son corps disparaissait, à ses yeux fermés, pour ne plus laisser que cette voie-lactée de possibilités, de sensations et de déraison… et il aurait voulu glisser ses doigts au travers de son corps, extraire l’essence même de son idéal pour s’en saouler. La boire jusqu’à la lie, s’en gaver même, s’emplir de ce qu’il lui offrait jusqu’à la folie s’il le fallait. Et ce tremblement qu’il sentait l’y incitait, plus encore, il l’y poussait, le faisant intérieurement vibrer… Un bref instant, le temps d’un battement de son cœur ardent, il eut envie de le saisir et de le broyer entre ses bras, de ravager sa chair et de goûter ses tremblements, mieux encore, de les causer.

Pourtant, c’était lui qui soudain frémissait, à ces mots chuchotés. En lui, quelque chose semblait exploser, engourdissant ses sens un bref instant, et dans sa nuque une rivière de picotements remontant, ses reins noyés d’une vague de confort chaude et intensifié à chacun de ses battements de cœur à présent précipités. Son corps se crispa, prit d’un spasme, puis s’apaisa sur un souffle encore haletant, tandis qu’il rouvrait les yeux, les siens croisant. Il lui appartenait. Il… lui appartenait ? Le bien-être se rependait, toujours,  et enfin il soupira, élevant une main et son visage caressant, de ses doigts encore prisonniers puis l’accompagnant, osant à peine bouger, ignorant son claudiquement. Son visage s’adoucit sur un sourire chaud et velouté, tandis que son cadet reculait jusqu’à l’autel qu’il lui avait indiqué. Ses mots, toujours, en lui résonnaient, prière imagée… Car comment de simples mots auraient pu incarner tout ce que son corps lui signifiait ? Ils ne le pouvaient, ils n’étaient que l’appeau, l’invocation, de leur symphonie une introduction, mais bien assez pour provoquer la plénitude qu’il avait nourrit et qu’à présent, il consommait, couronné de son invincible triomphe. Il l’observait, rendu muet, dévorant son expressivité et se repaissant du moindre frémissement, une lame glacée lui glissant le long de la colonne, semblant l’ouvrir alors même d’une morsure douce, une morsure emplie d’une presque tendresse pour la chair qu’elle dépouillait.

L’horreur dans les yeux de son cadet, nichée comme un aviaire blessé… « Qu’importe le tréfonds, je l’ai accepté » Sa voix se fond dans le silence avec aisance, semblant s’y mêler, s’y fondre, ton soyeux et apaisé… apaisant qu’il se voulait. Un apaisement qui pour lui était une douche glacée, un retour à la réalité après un délire échauffé aux accents de songe tyrannique qu’il ne parvenait toujours pas à abandonner. La réalité ressemblait à un îlot isolé, la pointe d’un iceberg immergé… Oui, Morghann lui avait demandé de faire couler ses larmes, et il le ferait, mais certainement pas de bon cœur puisque ce serait le blesser. L’euphorie d’une domination acceptée ne pouvait lui faire oublier à quel point cela le répugnait, l’affliger. Un bref instant, il se laissa emporter, il lui en voulait, de lui voler en cet instant de triomphe l’essence de sa félicité, sa souveraineté. Il lui fallait la reprendre, la préserver… non mieux, il fallait qu’il la lui offre… mais grand seigneur, il consentait en l’instant à se concentrer sur ses misères. Il était son frère adoré, pour lui, il pouvait y consentir, et la froideur du bracelet sembla le féliciter. Raffermie était sa détermination, la ferveur de son abnégation… « Exurgant mortui et ad me veniant » Echo grave, vibrant d’autorité. Leurs deux voix se fondaient, s’accordaient, s’attardaient dans le silence renouvelé tandis que son frère s’allongeait, agnelet sacrifié. Etrange pensée, presque parasite, et pourtant elle lui seyait… il était bien un agnelet. Son agnelet sacrifié.

Sa main captive le serrait, l’autre frôlant son corps, se l’appropriant intérieurement. Là, il attendait, que son gémeau se laisse aller, se détende… Il savait qu’il le ferait, et en sentant sa poigne s’alléger, le laissa lentement aller, accompagnant le geste d’une caresse éphémère et éthérée. Incapable de s’en empêcher, il se laissa l’observer pendant un temps, appréciant ce qu’il possédait alors pleinement, apaisé et pourtant fervent. Sa respiration jugulée était pourtant échauffée, et ses lèvres comme ses doigts tremblaient légèrement. Lorsqu’il se remit en mouvement, néanmoins, c’était d’un ensemble fluide et confiant. Sombres oraisons pleuvant de ses lèvres, disséminées aux quatre vents, feutrées et enivrant, dialecte antique, l’araméen comme un ornement à sa gorge d’officiant tandis que sur sa paume droite s’ouvrait une fleur de sang. Ruisseau paresseux qui souillait alors sa peau, la douleur se rependant, piquetant légèrement, sans pour autant le contrarier. Sourire fleurissant plus encore, en une obscure impression, lueur dans le regard et dans les traits, l’illuminant de l’intérieur comme un souffle de sinistre inspiration, yeux plissés. De ses doigts encore immaculés, il recueillit la liqueur de sa vitalité, et sur ce corps qui lui ressemblait il plaça les symboles cabalistiques d’un mouvement assuré. Signe par signe, il l’orna, admirant l’œuvre qu’il réalisait. Plus encore parce qu’il s’agissait de son agnelet…

Puis un frisson haleté, son corps secoué, et son sourire chassé. Impassibilité, sinueux sérieux, règne hautain mais non vain. Dans la vasque d’eau glacée, il plongea les mains, les lava de leur souillure et prit le temps de bander la blessure qu’il s’était infligée. Du dextre, il ouvrit un écrin, en tira l’ouvrage qu’il prisait, et l’ouvrit à la page recherchée, pour conclure son adjuration, scellant l’égide nacrée dont il l’ornait. Dans ses oreilles éclatèrent un concert effréné auquel il ne prêta qu’une distraite attention tandis qu’il tirait de ses alignements d’outillages les dispositifs qu’il nécessiterait durant sa peine. Bientôt, les aiguilles enduites de substance délétère virent luire dans la lumière. Il en prit une, au corps offert la porta, et dans le nœud nerveux du bras droit la plonge. Le geste net et décidé ne souffrit d’aucune hésitation mal placée. Accomplissement d’un unique mot, d’un unique terme cryptique ponctué. Outrage aux sens soudain excédés. Il pouvait presque la sentir, la chair qui cédait, autours de la fine aiguille se serrait, et son propre être semblait soudain atrocement sollicité, bien qu’il n’en montra rien. A nouveau, l’excitation montait, dont la créature l’avait affligé, cette hérésie d’une mentalité dépravée par son besoin de dominer, y trouvant la jouissance sexuelle que son corps lui refusait. Son esprit bouillait, mortifié autant qu’enthousiasmé… Maîtrise éhontée de gestes qu’il aurait dû condamner, qu’il condamnait, au demeurant, barbare testament. Douce expiration, tremblant à peine, et son visage de désire comme d’irraison se peignant, les traits détendus, fatigue envolée, l’ornant d’une noblesse déplacée.

Seconde aiguille, dans la main placée, centre nerveux sans le moindre mal visé, pour exacerber les affres appelées… Déglutition mal assurée, recule léger. Il œuvre désormais, oscillant entre application dévouée, austère de fermeté, et plaisir coupable et condamné qu’il tentait tant bien que mal de refouler. Puis le flot tarit, aiguilles épuisées, et c’est d’un Janbiya luisant dont il s’empara, pour couvrir son cadet d’arabesques délicates, faisant de son corps une œuvre d’art, tableau magnifique à compléter, témoignage vivant de leurs tourments, de cette malédiction par leur famille, leur héritage causé… témoignage de son amour dévoué, également, et de tout ce que cet être, à lui seul lui inspirait. Mais loin de céder à l’aménité d’un simple vœu de transmettre une mémoire morcelée, c’était sa volonté de protéger et de maîtriser qu’il gravait dans la toile sans pareille de ce corps à lui inféodé. Vivant… il n’en mourrait nullement, car rien de ce qu’il lui infligeait ne pouvait conduire à un décès, il y veillait. C’était toute son attention et toute son efficacité, tout son savoir-faire qu’il lui dédiait. En cet instant, plus de ce malaise qui le caractérisait au contact d’un autre corps. En cet instant, plus de sa rigidité affectée. Il se faisait insaisissable ivresse, prenant possession de ce qu’on lui dédiait, en couvrant chaque parcelle pour mieux le posséder, prit dans les griffes d’une frénésie qu’il avait provoquée, mêlant à sa chimère colorée la honte et le regret, la déchéance de devoir lui infliger ses attentions, tout autant que de voir son désire par tout cela provoqué…

Combien temps le fit-il durer, faisant grimper leur étreinte hérétique aux cieux d’une fresque névrosée peinte de tant d’émotions qu’elle menaçait d’exploser, tandis que ses lèvres cueillaient les perles carmines de son corps supplicié, offrant aux lèvres des plaies les baisés qu’il se refusait à poser sur les urnes de sa culpabilité, mêlant à ses adorations l’aloès doux et miellé de leur révérence unifié, unis qu’ils étaient dans cet instant d’éternité. Vélin emperlé de joyaux purpurins qu’il aspira d’un souffle, front posé contre son torse, cheveux étalés, dos courbé et jambe blessée sur le point de l'abandonner, au-dessus de lui glissant lentement jusqu’à frôler une oreille de ses lèvres ainsi décorées. Yeux fermés, nichant son nez dans ses mèches humidifiées, inspirant doucement le parfum de son corps au travail, l'expression transcendée, enivrée... ses lèvres s’entrouvrant déposant au creux de son esprit les derniers fragments de rituel aux accents d’antiquité, mots exotiques à la sinistre portée, venant compléter l’œuvre sur laquelle il s’échinait depuis… il ne savait, l’importance probable de l’information balayée alors que leurs deux corps se complétaient, vibraient et ployaient, et que ses yeux se fermaient une nouvelle fois, étranglant la plainte débridée qui lui venait, qui emplissaient leurs esprits soudain mêlés tandis que dans ses oreilles, les plaintes s’élevaient, plus déchirantes que jamais.

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Morghann Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyMer 9 Sep - 17:35

Hj : Bon, et bien, comme d'habitude, ce qui est en italique n'existe pas et se produit dans la tête de Morghann mais comme Howard s'y trouve, il devrait voir tout ça :D

Leur sanctuaire calfeutrait leurs entités, incongrue appartenance qui les enchaînait, plus alambiquée qu'une liaison fraternelle aurait du l'être. Jamais un jumeau ne se serait ainsi étendu sur la pierre froide d'un autel, destin sacrifié. Jamais cet abandon total n'aurait du subsister, contre nature, traîtrise perverse, tel un poison malintentionné qui inondait ses veines, rinçait son cœur de tout jugement et ternissait son libre arbitre. Non, jamais et pourtant. Les yeux clos, bras en croix, sur le dos étendu, Morghann trônait là telle une offrande à la divinité vénérée qu'Howard incarnait. Sa voix sombre officiant, enivrant nécromant, le berçait d'incantations anciennes, commune depuis sa naissance. Langage secondaire, parole délétère. Son verbe résonnait dans son esprit agité, son corps offert vibrait à son éloquence, ses poils se hérissaient. L'onde, sur lui, se répandait remarquablement. Contre son aîné un peu plus tôt, il avait perçu sa respiration, et même jusqu'aux battements de son cœur s'il y avait prêté attention. Mais plus encore, fait étrange, presque inattendue exaltation qui avait propulsé le Meyrick en miroir vers d'autres horizons. A cet instant peut-être s'était-il aperçu de la situation atypique, que les faits allaient bien plus loin que l'entendement, que dans leur relation, il y avait quelque chose de dérangeant. A cet instant peut-être avait-il eu un tremblement, spasme répondant à l'ivresse gémellaire et pourtant... Il était resté. Contre lui, il avait demeuré, tel le capitaine d'un bateau qu'il ne voulait pas délaisser, qu'importe s'il devait couler, qu'importe les vents, les marées. Qu'à son écume, il soit balayé. Effrayé qu'il fut par cette réaction, son âme, en une fraction de seconde, trouva l’apaisement dans les prunelles dominantes qui lui faisaient face. L'agneau apeuré sombra hypnotisé, possédé et... Satisfait ? Il s'en réjouissait. Son cœur célébrait cette transcendance démente : la place asservie, qui lui seyait, apportait à son frère une jouissance inespérée. Par fierté, il aurait nié que cela ne le terrorisait, mais son cœur, de frayeur soulevé, tremblait entre les griffes de son maître, avant de s'y calmer, s'y conformer, s'y abandonner. A lui, il s'en remettait, singulière acceptation que ses mots avaient déclenchés en tempête. L'ouragan violent avait fait des ravages, une satisfaction parfaite qui le tétanisait et l’exaltait.

Acceptés, les tréfonds, par l'un et par l'autre, alors il lui accordait cette crédulité aveugle qui pouvait tant le servir que l’annihiler. Longues furent les secondes où aucun ne se mouvait. Il sentait le regard d'Howard, sur lui, posé. Il le sentait et cela l'amusait. Centre de son attention il devenait, il la captait, l'emprisonnait pour que lui et lui seul hante les pensées gémellaires. Il n'aurait toléré aucune concurrence, qu'il faille pour cela arracher les gorges adverses, répandre le sang de ses ennemis en cercle, planter leur tête sur des piques à chaque entrées et étendre leurs boyaux sur le sol en guise d'avertissement, pour terroriser les autres et leur interdire l'accès à son frère chéri. Il ne ferait le barbare de ces voleurs. Troublante envie, jubilante, qui le diabolisait soudain. Qu'il s'offre à son jumeau et le maître n'aurait d'yeux que pour son esclave, aucun autre, jamais. Il y veillerait jalousement. Il épousait son regard, l'embrassait silencieusement alors que dans son esprit, la folie le gagnait sournoisement. Des doigts ensanglantés traçaient sur son corps les symboles cabalistiques outrageux. Ils étaient irascibles, véhéments et tellement douloureux. Ces symboles, pour certains, il les connaissait. Magie sombre, torture en horizon. Il sentait leur traits se former sur sa peau, augures d'heures douloureuses à venir. La folie s'élevait, son corps aurait tremblé si de caresses fraternelles elles n'étaient associées. Il craignait ce qui viendrait, mais la confiance qu'il offrait à Howard en cet instant avait atteint un paroxysme si déraisonnable, que d'aucune manière il n'aurait été capable de fuir. La voix aînée s'éleva de nouveau, se fit condamnation, et il se tordit à la douleur naissante. Ça l’irradiait de l'intérieur, contractait chacun de ses muscles, surtout les antagonistes qui se livraient une guerre sans merci où aucun d'eux ne pouvait vaincre l'autre. Une égale force équilibrait les camps opposés, faisait de Morghann le champ de bataille ravagé par deux entités. Il se raidissait à l'infâme hostilité où aucun des camps ne semblait avoir élaboré une stratégie capable de défaire l'autre. Des cris hantaient l'antre d'Howard, raisonnant contre les parois. Muscles saillants, ses nerfs irrités décuplaient la désolation, plus encore lorsque des aiguilles vinrent l’irradier en de nombreux points nerveux. Une part de lui aurait pu se poser pour contempler l'efficacité du travail de son frère, mais son cerveau recevait bien trop de message de périls pour s'en appesantir. La détresse s'intensifiait. Son corps se convulsait sous les affres de la torture, un venin coulait dans ses veines et l'ankylosait à défaut de l'anesthésier. Son corps ne répondait plus à ses demandes de mouvements. Il aurait été attaché que l'effet aurait été le même, voire moins efficace. Il fermait les yeux, férocement, ses plaintes hurlées ne lui offrait aucune libération. Condamné, il mugissait en martyr, mais d'aucun sauveur il n'était bien veillé, d'aucune bonne étoile, d'aucun chevalier. Seul, dans l'obscurité de sa folie, il invectivait sans fin. La sueur perlait à ses tempes, les larmes se refusaient à couler. Le sort d'un piètre vivant, même si c'était de lui même dont il s'agissait, ne lui arrachait aucune émotion. Il souffrait, il criait, mais il ne pouvait pleurer. Il avait fait sien une autre échelle de douleur, les sanglots étaient malvenus en de telles circonstances, ils ne lui apporteraient rien, si ce n'était une trahison envers lui-même. Seuls les défunts méritaient ces gouttes salées, coulant sur ses joues, s'éclatant contre le marbre. Seuls ceux qui ont connu le trépas ont leur destin figé, immuable. Le sien pouvait changer. Il pouvait demander à son frère d'y mettre un terme, lui préciser que l'action était inefficace, qu'il fallait songer à d'autres possibilités. Il ne le faisait : il avait foi à en lui et s'il pensait que cette façon fonctionnerait, il l'acceptait.

Sa chair s'ouvrit, plaie fine se dessinant sur tout son corps, plaie en proie d’inflammations douloureuses. Muscles excédés, nerfs mortifiés, chair atrophiée, son calvaire s'esquissait, gravure sublimée aux perles carmines sur une peau blanchie par le froid. Un grenat éclatant se déversait infiniment lentement. La mort n'était pas au bout de sa route, mais de longues heures de souffrance pourpre pavaient son chemin de croix. Les cheveux humides de son labeur, le corps noyé d'eau et de sang, sa respiration haletait alors que ses nerfs lui refusaient ce mouvement nécessaire. Point culminant d'une souffrance physique, offerte par son aîné, avait émoussé ses forces. Il s'en trouvait fragilisé, élimé jusqu'à l'os et plus encore, lorsqu'il s’immobilisa dans un silence mortuaire, funeste sommet, culminant toute autre douleur qu'il n'aurait pu supporter. Il aurait pu être frappé et déchiqueté, être éparpillé aux quatre vents qu'il n'aurait plus rien ressenti de pire que ce qui l'accablait présentement. Howard cessait et de ces lèvres, embrassait ses plaies. Ainsi donc était-il arrivé au terme de ses possibilités ? Son frère tout puissant n'avait pu faire couler ces larmes ? Il n'osait y croire. C'était impossible et pourtant, le calme s'établissant, il devait se résoudre à l'échec. Télékinésie œuvrant, Morghann puisait ses dernières forces pour ôter ces aiguilles qui tombèrent au sol comme une pluie métallique, mélodie doucereuse sur cette pièce tragique. Le cadet ferma les yeux, exténué et haletant, plainte étouffée. Il n'osait prononcer le moindre mot, de peur d’accabler son jumeau d'un fiasco brûlant. Il ferma les poings, la douleur le lançait, tirait comme des aiguilles de glaces chacune de ses phalanges, convergeait dans sa paume et se dispersait dans ses poignets et bras entiers. Une invective indisposée lui échappa, ses lèvres en restèrent ouverte en un cri qui ne se poursuivit pas et qui offrait à sa respiration un exutoire. C'était un drame à son espoir, mais plus qu'à lui, c'est à son frère qu'il pensait, se délectant de ses lèvres qui parcouraient délicatement sa peau, son front contre son torse qui, piane-piane, serpentait jusqu'à son cou. Il aurait voulu lever une main, se faufiler entre les mèches ténébreuses d'Howard pour que d'une caresse rassurante il puisse lui signaler que d'aucun reproche à son encontre il n'oserait. La capacité ne lui vint pas. Il restait étendu, agneau sacrifié, propre à rien pour soulager son aîné.

L'enfer sur terre l’assomma. Les incantations de son jumeau lui arrachèrent un spasme. Un serpent s'infiltrait dans son esprit, s'inspirait de ses peurs, éveillait ses cauchemars et donnait vie à ses chimères. Esprits mêlés, vision commune sur ce qui tourmentait le cadet. L'orage se déchaînait et zébrait le ciel d'une lumière qui le terrorisait. Le grondement assourdissant le faisait chevroter, petit être prostré dans un coin de sa chambre, depuis tant d'années par la foudre épouvanté. Il gémissait de nom de son frère, l'appelait, le suppliait de venir le consoler alors qu'un éclair claquait à en faire trembler le château. Il hurla de panique, dans un sursaut, tentant vainement d'obstruer ses oreilles à la paume de ses mains, de clore ses yeux si férocement qu'aucune lumière ne passerait et pourtant. Terrible orage que celui-là, plus vil, plus violent que tous ceux d'autrefois. Il veillait à y devenir sourd et aveugle, en cette nuit sombre et sur le sol de sa chambre, deux corps s'étendaient, sans vie. Sa femme et son enfant. S'il n'avait jamais eu de réel amour pour eux, force était d'accepter qu'ils avaient été son quotidien, son confort, son cocon qui avait volé en éclats. Leurs dépouilles ne le rassuraient pas. Pire encore, il n'entendait leurs Voix. Cette hantise délirante ne lui avait octroyé aucun deuil qui puisse soulager sa peine et l'aider à cheminer. Il restait fixé, ancré dans ce passé, sans solution aucune pour avancer. Il aurait voulu les pleurer, condamner son âme à quelques tourments passagers pour que son avenir puisse enfin s'éclairer. Sur leurs corps penché, un poignard sur son épouse dormait, comme une invitation à la vengeance, et à ses oreilles un rire moqueur s’accentuait. Rire paternel et dévastateur. N'avait-on pas idée de ricaner ainsi de son malheur : railler de la sorte, qu'il le fasse donc ailleurs ! Howard l'avait pourtant bien mis en garde contre leur vilenie. Avait-il à ce point raison à leur sujet ? « Silence ! » hurla-t-il, impérieux, poursuivi d'un grondement intense qui ébranla les murs de la demeure familiale. Il saisit l'arme blanche et sans remord aucun, planta la lame dans le ventre de son père, et la remonta avec une force qui semblait surhumaine, ouvrant sa chair jusqu'au cou. Les organes et boyaux s'échappaient de la plaie, dans un liquide carmin qui souillait ses mains. Il retira l'arme, regard enragé contre son géniteur, folie déployée à l'envergure si vaste qu'elle en était oppressante.

Regard pétrifié soudain : il n'entendait aucune Voix. Il appela son jumeau qui ne répondait pas, prit la porte, navigua dans le couloir, animal en furie, monstre délivré, il égorgea, poignarda, frappa, brisa tous ceux qui refusaient le lui dire où se trouvait son frère. Il saisit cette tante et claqua la tête contre le mur, rompant son nez au premier choc, son crâne aux suivants. Il s'acharna sur cet oncle, annihilant ses cervicales et onctueusement, il plantait sa lame dans sa gorge, se délectant de ses cris égosillés alors que la vie le quittait. Les cadavres faisaient son sillage, scélérat luciférien sans foi ni lois, le couvrait d'un pourpre assassin. Les flammes dévorantes animait ses yeux d'une agressivité excessive envers tout ceux qui l'éloignaient de son frère.
Son corps tremblait, son cœur palpitait à en vouloir quitter sa poitrine. Les yeux clos, il apostrophait son frère qu'il ne voyait, le suppliait de venir à lui. Ses chimères avaient pris le pas sur la réalité, le rendant instable au demeurant. Il saisit avec violence la chemise d'Howard, farouche et menaçant. « Rends-moi mon frère sur le champ ! » ordonna-t-il entre ses dents, caprice fulgurant. Pas de réponse : la nuque se brisa. Machine à tuer, bête en devenir, à son aîné enchaîné, il n'était qu'un chevalier sans repère, un meurtrier au service du désir gémellaire : la famille Meyrick n'était plus qu'un tombeau. Il était l'auteur de ce massacre, exécutant de la volonté d'Howard, bras armé et infaillible. Il en était capable. Sous la pluie battante, sur le perron, il rageait, sauvage en furie, damné errant, appelant l'aîné. Et lorsqu'il se retourna, il le vit là, cloué au mur, martyr sanglant, assassiné, attaché à la demeure familiale comme un esclave sacrifié. Il hurla, une plainte plus déchirante encore de toute autre, débridée, hors du temps et de l'espace, un cri à en faire pleurer les plus coriaces. Il hurlait, yeux exorbités, le cadavre placardé qui le surplombait. A genoux, il tombait, vidé de lui-même, de son essence, sa raison d'exister. A genoux, il tombait, soumission par delà la mort. A ses pieds, il était, vermisseau détruit devant la dépouille de son maître, qui les bras en croix, tel le prophète de tant de chrétiens, souffrait sa passion. Télékinésie opérante, il le libéra et sous son poids, dans la boue il ploya. Ses mains saisirent son frère, le pressant contre lui, ayant raison de sa jambe bien trop fatiguée. Sur lui, son poids l’écrasait, rendant à sa vision une horrible réalité. Il le serrait contre lui, tremblant comme une feuille, cheveux dans la boue et le sang. Ses cris raisonnaient dans tout Crimson Peak. Son jumeau était mort et plus rien d'autre n'avait d'importance. Ni Dieu, ni le Diable, ni aucune guerre. Tout cela n'avait plus la moindre valeur, pas plus de saveur. Son existence se réduisait à néant. Lourde perte qu'il ne parvenait à pleurer. Il voulait sa Voix, la dévorer, en faire sienne mais il ne le pouvait... ce don lui avait été ôté ! A moins que...

Il la sentait, là, son âme, entendait sa Voix.
Voleur vorace, il sentait l'esprit de son frère dans le sien. Persuadé de sa mort, il déroba son existence, sa vie entière, ses aspirations, ses désirs, ses croyances, ses attentes. Il le viola jusqu'au plus profond de lui-même, s'appropria ce qui lui revenait de droit, dans un mécanisme qui depuis sa naissance était bien trop huilé pour qu'il ait réellement conscience de son geste. Il s'en saisit pour apaiser sa peine, il s'en saisit car il s'agissait là de l'unique Voix qu'il puisse entendre. La seule qu'il désirait plus ardemment que jamais. Sous ces yeux, la vie de l'aîné défilait, chaque seconde, chaque sentiment, aussi protecteur fut-il à son égard. Il sentait ses exploits, ses réussites, ses frustrations et ses échecs. Il le vit, Eurynome, prince de la Mort et précepteur. A son frère, il était tant aimanté. Proximité qui lui déplaisait au plus haut point, sa jalousie dévorante ternissait son jugement. Ainsi donc Elie Mortiner, il savait ce qu'il en était, cette guerre ouverte, cette aspiration. Ainsi donc les Meyrick, ses ennemis, ses alliés, cette autre combat dans lequel il s'engageait, plan en devenir, florissant, se concrétisant. Les rêves d'Howard à ce sujet, qu'il ne verrait jamais se réaliser. Howard était mort, son cœur se pinçait. Complot contre les Meyrick, complot contre Elie Mortimer. Un échec cuisant, mort prématurée. Son trépas le condamnait à ne jamais y accéder. Il aurait voulu lui offrir ces victoires de son vivant, du moins l'aider en cette voie qu'il chérissait tant. Trop tard, voilà ce qu'il en était. Trop tard ! Trop tard et les larmes sur ses cils perlaient.

Il voyait l'existence que son frère avait menée, à se battre à ses côtés. Il sentait comme la frustration, que l’insurrection du cadet, l'avait accablé. Il sentait son désir de le posséder, de pouvoir faire de lui ce qu'il voulait, son besoin irrépressible qu'il avait de le protéger, de construire ce monde pour lui et enfin le retrouver. Il entendait sa mémoire le condamner pour les écarts de conduite dont il avait été l'objet, désapprouver sa façon de lui échapper, lui glisser entre les doigts, encore et toujours, lui désobéir une fois de plus. Il brûlait à sa jouissance lorsque Morghann lui avait ENFIN accordé cette servilité, cette docilité inespérée. Sa respiration haletait, enivré par le bien-être éphémère qu'il lui avait accordé un peu plus tôt, l'amour qui avait accompagné les gestes du rituel, comme des caresses à son ego. Il aurait tant voulu que ce soit l'éternité, et même étendre à d'autres ce qu'il parvenait avec son cadet. Une jalousie dévorante l'enfiévrait, destructrice si on s'y opposait. En son cœur, à nouveau quelque chose se brisait. C'était une déception qui l'affligeait : celle de s'être toujours battu pour entraver sa délectation. Howard était mort et jamais il n'aurait ce qu'il avait tant recherché. Trop tard ! Trop tard et les larmes sur ses joues coulaient en abondance, un sanglot de souffrance éclata, brisant le silence qui s'était fallacieusement réintroduit. Il pleurait son existence inachevée, ses projets élaborés et trépassés dans l’œuf. Il sanglotait ses regrets à son égard : il n'avait été qu'un boulet à lui enchaîné, retardant sa grandeur pour... consigner son attention ? Par jalousie ? Il avait voulu garder son frère rien que pour lui. Il aurait aimé se soumettre pleinement, lui obéir au doigt et à l’œil : il en fantasmait tant. Il lui refusait, se le refusait par crainte qu'Howard se désintéresse de lui s'il ne se débattait plus. Il avait peur qu'il se tourne vers d'autres, une fois son jumeau possédé et ce que sa Voix lui disait le confirmait. Cette folle envie des Grandeurs, par Eurynome insufflée était son fléau.

Revenant à la réalité, il relâchait l'esprit de son aîné qu'il avait dérobé. Il se représentait mentalement ce qui s'était produit, le rituel, la souffrance psychique, la mort Howard à laquelle il avait cru alors qu'il était là, bien vivant entre ses bras, et sa Voix qu'il avait présumée et qui n'était pas. Il plia ses jambes et accueillit entre elles le corps épuisé d'Howard, se resserrant affectueusement sur lui comme un écrin moelleux. Il raffermit l'étreinte de ses bras endoloris dans son dos, pour le retenir, lui demander pardon et surtout... profiter de sa vie.  Les perles salées de son deuil s'écoulaient, secoué par les sanglots, poings crispé sur sa chemise à lui arracher, le poids de ces derniers jours s'envolaient. Il avait le sentiment d'être léger, soudain, prêt à avancer encore quelques peu à ses côtés, dans l’expectative d'une alternative meilleure. Il l’enlaçait pour le remercier de ce temps qu'il lui avait accordé. Au beau milieu de la nuit, son travail s'achevait, éreintant, épuisant mais il l'avait fait. A bout de force, il le relâchait, même sans le revendiquer et à ses yeux, lorsqu'Howard se redressa, il s'accrochait à nouveau : « Je suis désolé. » Il y avait beaucoup de choses pour lesquelles il était désolé : ce travail éreintant, sans joyeuseté aucune, le vol abrupte et incontrôlé de son esprit, sa désobéissance réitérée depuis tant d'années. Il avait beaucoup à se faire pardonner, et même à le savoir, il ne saurait lui accorder tout ce que son jumeau attendait de lui, tout ce qu'il avait lu en lui. « Je connais tes rêves. » Il en avait dérobé l'essence même, ses secrets inavoués, inavouables, comme s'il était son second lui-même, et capable de jugement différent. « Je t'y aiderai, si tu me le permets. Je sais ce que tu veux et ce que tu ne veux pas, je sais les pièges que tu crois, les alliés auxquels nous auront droit. Je suis toi. » Pendant un instant, il l'avait été, dévoreur de sa Voix. Il voulait être à ses côtés, s'assurer qu'il ne s'en aille pas à nouveau, qu'il ne le laisse pas seul une fois de plus. Les malheurs lui tombaient dessus lorsqu'Howard ne le protégeait plus. « Je suis à toi. » corrigea-t-il avant d'aller baiser son front au dessus de lui, octroyant à ses lèvres le droit de l'embrasser le long de l'arrête de son nez, jusqu'à son bout. Puis sa tête retomba lentement sur l'autel froid, sanglots s'éteignant. Un instant, il cru que son frère voulait se relever, et lui incapable de le retenir physiquement. Cette torture l'avait abattu. Ce fut par des mots faibles, aveux de sa jalousie, qu'il tâcha de le retenir : « Ne me laisse pas. Qu'ont ces autres que je ne pourrais t'offrir ? Ne saurais-je te satisfaire ? Te suffire ? » Pourquoi cette guerre à Eurynome ? Pourquoi cette guerre aux Meyrick ? Ne pouvait-il pas rester à ses côtés ? Ne pouvait-il pas mettre un terme à cette quête de grandeur, de vengeance et d'il ne savait qu'elle lubie encore ? Une lueur suppliante ornait ses prunelles d'obsidienne, tremblante et mourante.
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Howard Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptySam 12 Sep - 16:21


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“SI LA LIBERTÉ GRISE, LA FAMILLE RASSURE.”

Esprits joins, unis, enlacés comme les corps ne sauraient jamais l’exécuter ; tentacules de magie délétère pénétrant la psyché torturée de son cadet, y puisant sa force et y nourrissant les graines des plus profondes terreurs qu’il dissimulait. Des terreurs qu’il ne pouvait alors qu’observer, curieux, au fond, de savoir ce qui pouvait l’agiter, le glacer, lui qui, de lui, différait. Oui il différait, et ce profondément, alors qu’allait-il, dans cet esprit, trouver ? Cela se dévoilait, lentement, sous son observation attentive et intriguée. L’aurait-il cru ? L’aurait-il pensé ? Le cauchemar profond de son frère, de son autre moitié, celle dont la naissance l’avait séparé… il le connaissait, en un sens, le vivait, il lui faisait écho, lui parlait. La peur rampante, existant au bord de la conscience, toujours présente, comme une marque au fer rouge sur l’âme, l’esprit par elle marqué qui, en un sens, motivait tout ce qu’un être accomplissait. Chez de nombreux individus, cette peur était liée à la mort, mais pour eux nécromanciens, il aurait pourtant juré que cela ne se pouvait. La mort était un quotidien, même pour ceux qui s’en éloignait, il lui semblait impossible de s’en effrayer. Pourtant n’était-ce pas ce que son frère lui prouvait ? Qu’eux-mêmes étaient encore capables de craindre le décès ? Mort et trépas, sous ses ‘yeux’ cois, et de leur père l’obscène hilarité, qu’il abhorrait du moindre pore de sa peau. Sous ses yeux encore, la démence parricide à laquelle Morghann cédait et quelque part, son propre corps en brûlait, de le savoir capable d’une telle violence, d’une telle abjecte monstruosité. Et en ce bûcher trônait également l’horreur frappée, accablée de voir son frère aimé à tout cela s’abaisser. Il aurait voulu le garder pure de ces ultimes méfaits… mais le pouvait-il seulement, en avait-il la capacité ? Plus ce songe emporté avançait, moins il en était certain.

Ce n’était pas ainsi que cela devait se passer. Ce n’était pas ainsi qu’ils devaient tous trépasser. Il avait déjà décidé, et si de parricide il devait se rendre coupable, ce serait avec la dernière des dignités. Mais son frère ne pouvait en être informé, encore moins dans ce délire épouvanté et enragé. Etait-ce pour lui qu’il se battait ? Pour le retrouver ? Cela… le touchait, attisait cette satisfaction ignominieuse qu’il entretenait. Oui, ce sang rependu était pour lui. Lui était-il à ce point indispensable ? Il le lui avait avoué, à demi-mot confié, et pourtant les mots ne pouvaient réellement représenter la profondeur de ce qu’il ressentait, les mots ne lui permettaient pas de se faire une idée, précise et complète, de se l’imaginer… tout simplement. Mais tout cela… il lui aurait été difficile de ne pas se l’avouer, une telle loyauté, un tel amour le complaisait. Quelque part en lui, sans doute aurait-il voulu provoquer pareil carnage, non dans leurs esprits, mais dans la réalité. Il aurait voulu voir cette ode sanguinaire s’incarner, briller pour lui aux yeux du monde et les esprits marqués, sans qu’ils ne sachent jamais la teneur de cette tragédie surjouée. Qu’il s’agisse de leur parenté, ou des premiers étrangers croisés, peu lui importait, tant qu’il lui offrait cette inhumaine célébration ! Et la poigne qu’il lui infligeait, soudainement, son corps par l’égarement contrôlé, le faisait trembler. Et sa présence, écrasante alors, l’effraya profondément, autant qu’elle l’exulta sombrement. Qu’il était… beau, magnifique dans son autorité, un prince parmi les mortels égarés. Et pourtant il était plus saisissant encore quand à lui il se pliait, fidèle servant, esclave choyé. Oui, son frère était parfait dans toutes ses facettes sauf une… la détermination qu’il avait montré à se faire ingrat déchet. Mais cela s’arrangeait, du moins cela le semblait. Et il ne se débattait pas, lui abandonnait le tissu quant bien même il le martyrisait, lui laissant la contrôle en l’instant, puisqu’ensuite il ne l’aurait.

Son cri balaya l’émerveillement autant que la satisfaction, sa lamentation le glaça. Yeux vitreux. Ame secouée. Une vocifération si pleine de souffrance, si brisée, qu’elle le secoua, lui arrachant des larmes qu’il ne connaissait pas. Mais même la pierre aurait pleuré à l’entente de ce son si atrocement poignant. Un instant, il s’arracha à sa contemplation et essaya de se relever, uniquement pour se souvenir qu’il était toujours maintenu par la poigne de son cadet et dans une position si précaire que sa jambe menaçait de l’abandonner d’une seconde à l’autre. Hoquetant, il ferma les yeux, les larmes chassant, pour se secouer et son attention recentrer. En lui replonger, comme dans les flots d’un noyé. Perdition consommée. L’image de sa propre mort ne l’atteignit pas tant que celle de la douleur gémellaire. Etrange dilemme que celui qui se jouait en lui, sa conscience étudiant de son trépas les circonstances et s’en contrariant. Il se trouvait très peu dignifié, ainsi crucifié… non, s’il devait mourir, que cela soit avec plus de gloire et de classe que cela, par pitié ! Il avait l’air… et bien, mort, simplement, trop simplement sans doute. Mais ce n’était là qu’un éclat de son désarrois, autrement amplifié par la rancune qu’il se vouait, oui à lui-même, à ce lui décédés, qui avait le mauvais goût de blesser son cadet. Il avait envie de le gifler. De se gifler. Et ne pouvait pourtant que se fustiger, puisque c’était de lui qu’il s’agissait. S’en vouloir pour une mort qu’il n’avait pas réellement expérimenté était tout de même fort insensé. Et une fois la première surprise passée, ces ridicules pensées délitées, il devait avouer que cela la choquait… était-ce ainsi que son frère percevait son probable décès ? La crucifixion… Toute une image et une signification…. Douleur, bien réelle cette fois, de sa jambe qui ploya sous le poids que son frère exerçait. Un cri lui arrachant avant qu’il ne puisse se contenir, de nouvelles larmes aux yeux alors qu’il tombait.

Morghann l’avait saisi, et lui ne pouvait résister. Son corps n’en avait pas la capacité, pas avec une jambe aussi blessée. Mais la prise sur sa personne était le dernier souci dans il se préoccupait, bien plus alarmé par la soudaine voracité de l’esprit qu’il torturait. Pris au dépourvu, stupéfait, il ne put se défendre et fut débordé. Envahit par lui, il était contraint de lui céder, et son frère ne semblait nullement capable de s’apaiser, de se contentait des premières pensées qu’il découvrait. Impossible de l’en empêcher, de le faire cesser… Lui avait violé son corps et son intégrité, Morghann violait son esprit et sa vie passée. Cette fois, il ne pouvait le suivre et l’observer, mais il n’en avait pas la nécessité pour savoir ce qu’il voyait, ce que, sur lui, il découvrait. Sa vie, il la connaissait, par cœur, par regret… il se souvenait de chaque jalon, de chaque rencontre, de Médée, cette vampiresse qui un jour, de lui avait reçu mère pour sobriquet, à Héraclès, à Eurynome, ses mentors révérés et enviés, rivaux de sa fierté et de son ambition démesurée… Il savait qu’au milieu de cette vague de souvenirs brisés, il y avait ses peurs et ses rêves, l’ombre d’un Wendigo qui l’avait estropié, et la silhouette d’une jeune femme qui l’amusait. Ses complots, ses rencontres… ses alliances et ses inimités… tout cela, Morghann y avait accès, à son grand dam. Il se sentait dénudé, sans rien pour se cacher. Tout cela, tout ce que son passé contenait, tout ce qui le constituait… en somme, tout ce qu’il lui avait caché, car il s’était refusé à l’en informer. Et à présent il savait, et lui en était mortifié. Qu’allait dire, penser… comment allait-il réagir, et avec lui interagir ? Voudrait-il encore l’écouter ? à ses côtés demeurer…

Il subit pourtant sans se débattre davantage et lorsqu’enfin il se senti relâché, se fut immédiatement qu’il brisa leur union, de lui se dissimulant, se protégeant. Haletant, il reprit conscience de la réalité, avec horreur et colère l’observant. Il n’avait pourtant nulle force, nulle volonté qui lui permettrait de se relever… Fatigué, physiquement, ébranlé, mentalement… Et Morghann qui à lui semblait s'accrocher. Non, ce n'était certainement pas ainsi qu'il allait pouvoir se rassembler. Un moment, il nota avec lassitude que la position qu'il adoptait était quelque peu compromettante, voir profondément dérangeante. Instinctivement, sa psyché rigide et cadrée s'y refusa, quoi qu'il n'ait pas l'énergie de s'en échapper. Pourtant, quant bien même il ne pouvait que nourrir un certain inconfort à l'égard de la proximité non désirée et caractérisée, il y trouvait également le frêle plaisir de se savoir désiré d'une façon ou d'une autre… de se voir accorder la proximité qu'il avait désiré, bien qu'il l'entendit autrement. Morghann, qui l'avait toujours repoussé, était-ce bien lui qui, soudain, le retenait, ou était-ce simplement son désespoir qui s'exprimait ? Il n'était opportuniste qu'à un certain degrés, bénéficier de ses affinités uniquement par ce qu'il dépérissait ne pouvait le satisfaire, il lui fallait le gagner. Pourtant, il préférait s'aveugler, s'il le fallait, et croire qu'il était sincère et raisonné lorsqu'ainsi il l'enserrait. Et il préférait, pareillement, savourer son succès, car après tout, c'était des larmes qu'il lui avait demandé, et que lui avait fait couler. Morghann pleurait. Il pleurait… Faiblement, il tourna la tête, laissant sa joue contre la sienne s'apposer, recueillant les gouttes irisées. Soupire doux, presque apaisé. Qu'importait le reste, il avait triomphé. Il avait accomplit l'impossible. Alors… peut-être pouvait-il se permettre de savourer son contact, en paiement.

Un temps passa, aube dans l'immensité de la nuit depuis longtemps tombée. Son œuvre avait duré, plus longtemps qu'elle n'aurait dû, plus longtemps qu'il ne l'avait escompté. Quand enfin ses forces il put rassembler, il se souleva, sur les mains appuyé, lourdement et difficilement. L'effort le fit haleter, et un moment, ses yeux il referma, le visage fermé dans une expression crispée. Il inspira profondément, affermit sa position d'un genou relevé sur la surface de l'autel glacé et désormais souillé. Lorsqu'enfin il se rendit à sa vision, ce fut pour de son frère croiser les prunelles couleur charbon. Désolé ? De quoi donc ? De l'avoir dévoilé ou de l'avoir contraint à pareille extrémité ? Ou bien, tout simplement, désolé de lui avoir résisté ? Non, mieux valait ne pas rêver. Il ne savait, quoi que l'entendre s'excuser de lui avoir dérobé son passé aurait été le plus probable. Son expression se fit lus fermée, et son regard sur lui focalisé retrouva de son tranchant tandis qu'il l'observait. Oui à cela… ses rêves il connaissait désormais, et ça lui déplaisait. Ses paroles le firent renâcler et il trouva finalement assez de volonté pour se redresser pleinement, le toisant. L'aider ? Alors même que tout cela était en partie construit pour le protéger ? Le laisser se mettre en danger ? Lui, être… lui ? S'il y avait bien une chose que Morghann n'était pas, au moins mentalement, c'était bien lui. Muet, il le laissait s'expliquer, ses yeux s'étrécissant sous le rejet. Il n'était pas lui, et son frère le savait… oui, de toute évidence, il savait, il l'admettait. Alors lui de plus de douceur se paraît, en récompense méritée. Et l'euphorie un instant le gagnait. Oui il était à lui, cela était vrai. Il était sien, son bien attitré, son frère protégé.

Le baisé fendit son visage d'un sourire contenté. Il ne se releva pas davantage quand bien même il était crispé dans cette position qui lui coûtait. Un bien être rapidement évaporé. Ainsi, jalousie le rongeait ? Bienvenue dans son monde, dans son calvaire secret. « Penses-tu me satisfaire ?  » rétorque-t-il avec âpreté. Involontaire sévérité, qui pourtant le reflétait. Comment pouvait-il lui adresser de telles paroles, alors même qu'il l'avait toujours rejeté. Sourde supplique, dans son regard allumée, qui ne rencontrait dans le sien que dureté. Il ne se laisserait pas détourner. « En quoi devrais-tu me suffire, Morghann ? Es-tu donc omnipotent que tu te penses capable de me donner tout ce que je souhaite dompter ? Que me demandes-tu là, exactement ? Disposes-tu des connaissances de mes mentors, disposes-tu de leurs ressources ? Te penses-tu à l'abri de ta famille, si nous devions simplement nous exiler une fois encore ? » Il se releva et son pied par terre posa, uniquement pour manquer glisser et s'écrouler. Se rattrapant de justesse, il serra les dents, vacilla, reprenant dans un souffle haché et d'un ton contraint. « Que veux-tu, en me demandant cela ? Exprime-toi… Tu as… tout vu, tu sais tout, alors sincèrement, à quoi penses-tu, car pour une fois je ne comprend pas. Je ne comprend pas ce que tu attends encore de moi. Depuis toujours je te donne tout, depuis toujours ton bien être est l'unique motivation que je possède… même mes attentes à ton égard, mes véritables attentes et non ce qui s'avérait le mieux pour toi, je les ai dissimulé, pour ne jamais t'en incommoder » Alors même que les mots affluaient, il claudiquait, pour un linge récupérer, l'imbiber d'une eau propre et le rapporter près de l'autel pour lui permettre de laver les traces de son œuvre accomplie.

« Ce monde n'a rien d'idyllique et il ne le sera jamais… Vivre ne suffit pas, pour nous encore moins. Pour te protéger, pour ne pas te quitter, comme tu me le demande, il me faut me lier, il me faut m'entourer et me battre, en puissance gagner. En subtilité. Tu as ta force, mais une seule entité ne peut pas gagner cette guerre que je prépare, tu as tes connaissances, tes qualités, mais penses-tu vraiment répondre à mes aspirations et à mes envies de libertés, de connaissances, tu es toi, et tu sais… oui tu sais quelle est ta place pour moi, à mes yeux, mais tu ne peux m'entourer à toi seul. Tu veux me suffire ? En quoi ? Est-ce ma solitude personnelle que tu désire à ce point ? Non, je ne le penses pas, mais si c'est le cas éclaire moi… » Il parlait bas, tranquillement, lassé, fatigué, sollicité, tandis qu'il s'occupait de lui, l'empêchant de se relever. Un instant s'arrêtant, les mains crispées, les nerfs vibrants. « Jamais tu ne m'a laissé approcher, jamais tu ne m'as donné ce que je désirais, avant cette journée, et encore semble-t-il que ce soit uniquement pour m'inciter à t'aider… Et tu me demandes de ne pas t'abandonner ? Soit, tu resteras, je te le permet, je te donne même la possibilité de te battre à mes côtés, d'agir avec moi. Mais quant à m'offrir ce que les autres m'offrent, fait-en le deuil et raisonne toi, ils ne sont pas toi… tu es ma famille, tu es celui que je chéris, et tu le sais mais j'ai avancé, j'y étais obligé et je le suis toujours, ce monde n'a aucune tendresse, encore moins la société. Pour avoir ce que j'ai toujours désiré il faut faire des sacrifices. Et me suffire.. oui, je ne comprend pas. Je l'avoue sans honte, tu me perds cette fois…. »

Soupire, tête baissée « Ou peut-être est-ce simplement moi. Peut-être que je ne puis plus comprendre, à naviguer en ces eaux troublées. Qui sais ? Me demandes-tu d'arrêter de rechercher ce après quoi je cours depuis tout ce temps ? Est-ce cela une tu veux ? Mais je ne le peux pas, Morghann… j'en suis incapable. Je ne peux pas oublier, garder mes yeux fermer et te laisser m'avoir, me suffire comme tu sembles l'affirmer, bien que cela reste pour moi obscure. C'est gravé, en moi… J'ai mis le doigt dans un engrenage et je ne peux plus m'en défaire » Sourire triste, blasé. Son front contre le sien, à genoux, la souffrance en contre-point « Pourquoi doutes-tu mon frère ? Je suis désolé… de mes mots, de mes pensées… mais leur essence reste la vérité… je ne peux m'en tenir à toi. Que cela, cependant, ne te trouble pas, tu seras toujours toi… tu sais déjà… Tu es ma famille, ma famille a toujours la primauté » Et ce n'était certainement pas le moment de parler de Lydia, bien qu'il le faudrait, tôt ou tard. « C'est pour toi, tout ça… uniquement pour toi… tu le sais n'est-ce pas ? » Il le devait ! « Et puis, si tu désire tant me satisfaire et me suffire, pourquoi, pendant tout ce temps, te refuser à moi ?» Chemin de pensées, à présent huileuse de sinuosité, sa voix se faisant souffle tentant, velouté. « Tu t'es offert à moi aujourd'hui, enfin… nierais-tu tes paroles, reviendrais-tu sur ta promesse ? Me ferais-tu cela ? C'est toi qui tout ce temps t'es tenu loin de moi… si tu désire me suffire, prouve moi que tu le peux ? »
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Morghann Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyLun 14 Sep - 17:44

Pensait-il le satisfaire ? Réplique cinglante qui, en un coup de maître le brisa et su éteindre la si faible lueur, mourante et trépassée sur le champ, soufflée comme une ingrate demande. Pensait-il le satisfaire ? Avait-il cette audace ? Oui, il l'avait eu, démesurée, propos que par crainte il n'avait su contenir lorsqu'il avait senti son frère se relever. Ce rêve zélé et éthéré qu'il avait un instant caressé avait été anéanti en une seule question, terrible et acerbe. Elle lui laissait cet âpre goût amère, écœurant, elle, qui réduisait en tas de cendre son soudain objectif, voix des Grandeurs à l'inspiration gémellaire. La dureté des prunelles d'Howard frappait des obsidiennes brutalement vidées, dévastées par un ouragan malvenu alors qu'il n'était montré à nu, sans défenses. Il lui avait laissé entrevoir sa crainte la plus grande -  les Cieux et les Tréfonds savaient combien il en était par beaucoup affligé – pour être de la sorte trahi par une si insensible réponse. Cette peur qui les dominait toutes, au dessus de chacune des phobies qui le mortifiaient : Howard l'avait vu, c'était la perte de son jumeau qui le briserait. Il était tout ce qu'il avait, tout ce qui l'entourait. Il était son monde, son univers au complet. La seule idée qu'il puisse lui échapper, s'éloigner de lui, se détourner était comme lui arracher le cœur, les poumons, chaque veine de son corps, l'agonie n'étant jamais qu'à moitié. Son frère était son aspiration, son air et souffle de vie. Il était son accroche, repère et unique phare en pleine mer : il aurait été aveugle à toute autre lumière. Du moins était-ce ce qu'il croyait juste avant d'être aussi ravagé.

A mesure de ses paroles, le nécromancien se renfrognait, s'enfermait dans ses idées, se recroquevillait contre sa blessure infligée, en position fœtale, si protectrice. Il le lui répondait pas, ne protestait pas, n'arguait rien, là, étendu sur l'autel, il n'était qu'une coquille vide sur laquelle le vent soufflait. Et pourtant, il l'entendait, il le comprenait, son raisonnement se forgeait, son esprit se modelait, aussi influençable puisse-t-il avoir toujours été. Les propos d'Howard était le moule dans lequel son corps de contorsionnait, ses os pouvaient se briser s'il le fallait pour qu'à son désir il puisse se plier. Il prenait la taille, épousant les moindres formes de sa volonté, toute nouvelle volonté que son aîné lui avait toujours caché, probablement pour son bien, pour le protéger. Il songeait encore à ce qu'il avait dérobé. Les souvenirs de son jumeau, ses attentes, ses jugements : en plus de ces mots, ils peaufinaient le patron, le rendant plus adéquat que jamais, se retranchant les dernières bribes qui dépassaient, comme quelques reliquats dont il devait se délester. Il aurait voulu le détromper de certaines hypothèses qu'il étalait. Il ne désirait ni sa solitude, ni sa déchéance. Il ne pourrait l'inonder de la science à laquelle il aspirait. Il acceptait ses reproches, celles de l'avoir toujours repoussé, rejeté. Howard n'avait pas tord : comment pouvait-il répondre à sa question ? Il n'avait jamais pu par le passé être suffisant, bien au contraire, il avait été absent, fuyant, dénigrant. Il le savait même si ça lui coûtait de l'admettre, fierté blessée.

Uniquement pour l'inciter à l'aider ? Il s'était offert à lui pour cela ? Était-ce vraiment ce qu'Howard croyait ? Blessure, plus tranchante encore qui l'éloignait de la douceur que son aîné lui avait accordée. Plaie, même si involontaire, ses mots le touchaient. Dans son silence, plus intensément, Morghann se terrait, comme pour cacher la douleur lançante qui l'affligeait. Son mutisme prolongé transformait le discours de son frère en terrible monologue où chaque mot était un coup de marteau qui assommait son crâne d'une lourde vérité. Fer en fusion, il se laissait forger, frappé sur l'enclume, aux soins de son Vulcain vénéré. La transformation était pénible. Comme le métal, il devait rougir, laisser le feu le dévorer. Ses mots le torturaient plus encore. Ne pouvait-il pas cesser ? Le terme avait été signé lorsque ses larmes avaient coulé. Il se sentait rejeté et accepté dans un même temps, aimé mais insuffisant, protégé mais insatisfaisant. C'était le sort qu'il avait jusqu'ici accordé à son jumeau et qu'il subissait à présent. Du moins en avait-il le sentiment. Howard l'acceptait à ses côtés, pour le seconder, l'aider, l'accompagner dans ses projets. Douce consolation qui lui parvenait, sur laquelle il se reposait, victoire d'amertume entourée. Il fermait les yeux tandis que son frère nettoyait ses plaies, mais sa gorge se serait. Il se sentait... perdu. Vraiment. Égaré, il ne l'avait presque jamais été, son aîné avait bien trop souvent œuvré pour l'épargner de ces dilemmes, de ces choix douloureux auxquels il se retrouvait maintenant confronté.

Il serrait les dents, sa mâchoire en devenait raide. Le front de son frère se posait sur le sien, il devait être épuisé, probablement plus encore que lui. Les derniers propos de son aîné firent gronder la bête en lui, de colère sûrement, contre cet autre qui lui ressemblait au moins de visu. Il bouillonnait, mis sous pression, sans soupape pour délester le surplus qui l'outrageait. Alors il n'eut d'autre choix que d'exploser... Bien que ce fut de courte durée. Il se redressa brutalement, nonobstant ses muscles qui criaient, saisit le visage de son frère, à genoux près de l'autel, entre ses mains, les yeux remplis d'une peine affligeante et d'une ire terrassante. « Comment oses-tu croire que je reviendrai sur ma promesse ?! JE SUIS A TOI, ENTENDS-TU ?! » Anémié, le décor se floutait, le visage de son frère se perdait sous des points noirs qui gagnaient du terrain et ternissait sa vue. D'une main, il lâcha ce faciès adoré pour se servir de son bras et s'appuyer dessus pour se retenir. Il vacillait, sombrait, s'évanouissait : « Je suis à toi... » répéta-t-il plus faiblement comme une litanie apprise par cœur, alors que sa tête se faisait lourde. Il tomba dans les pommes, retrouvant sa position initiale, inconscient, pour un temps.

Il fallut quelques minutes avant qu'il ne revienne à lui. Post-malaise vagal, il n'entendait que son frère, à ses côtés, terminant de nettoyer ses plaies sanglantes. Ce geste attentionné apaisait son courroux, et tandis qu'il ne pouvait ni bouger ni parler, son corps lui refusant, il se raisonnait. Il avait été sourd aux messages d'affection de son aîné, obnubilé par son rejet. Peut-être y avait-il alors une voie, un espoir, une possibilité pour eux deux. Peut-être que l'attachement qui plaçait son aîné au dessus de tout autre serait réciproque, que par vents et marées, il serait toujours pour lui le plus chéri d'entre tous. L'encre noir de ses yeux se découvrirent lorsqu'il rouvrit les paupières. Ses lèvres sèches collaient entre elles, si bel et si bien qu'il peina à les ouvrir : « As-tu... De quoi manger ? » Il était inutile de faire deux fois la même erreur. Sa voix était bien plus stable et modérée, loin de l'explosion qui l'avait fait succomber. Pourquoi croyait-il tant qu'il lui mentait ? Pourquoi Howard était si persuadé qu'il n'avait fait le beau que pour se voir octroyer ses faveurs ? En y réfléchissant bien, sa réaction était des plus logiques et prévisibles, bien que ce ne soit pas celle qu'il espérait. Comme son jumeau le lui reprochait : c'était lui qui l'avait toujours repoussé, rejeté, éloigné. Lui, savait bien pourquoi. Mais son frère l'ignorait. Il s'humecta les lèvres et comme assommé, il parlait d'un ton monotone, sans vibration, las et placide : « Ça n'était pas normal. »

Normes sociales. C'était d'elles dont il parlait lorsqu'il prenait pour mesure étalon ce qui était convenable, acceptable par la société. « Ça n'était pas normal que de te contempler en aspirant à te combler, à être ce que tu attendais de moi, à m'asservir à ta volonté. Ça n'était pas normal que de désirer être une chose, ta chose, affidé volontaire qui sans contraintes, à son maître se pliait. Ça n'était pas normal et ça m'effrayait. A chaque fois que je constatais combien d'ascendant tu avais sur moi et combien cela me plaisait, je me fustigeais. C'était de la folie, c'était incongru et malvenu. Qu'en auraient-ils pensé ? Tous ces autres autour de nous ? C'était malsain. C'était contre-nature. De quel mal aurait-on pu t'accuser ? Aurait-on cru que tu m'y contraignais ? Que tyran, tu m'y obligeais ? Me battais si je désobéissais ? Que mon libre arbitre tu aurais dévoré alors que de mon propre chef je te l'avais cédé ? Comment cela aurait-il fini ? Et comment cela finira maintenant ? » Maintenant qu'il avait cédé. Maintenant qu'il était à lui et que sur sa promesse, il ne reviendrait. Devaient-ils se cacher de ces autres pour ne pas être jugés de parias, d'étrangetés ? Déjà que les Meyrick, par leur nom seulement, étaient réprouvés, craints et soupçonnés à des arts ténébreux et terrorisants, s'ils ajoutaient une relation ambiguë aux yeux de chacun... Qu'en dirait-on ?

« Quand bien même on s'en moquerait, quand bien même j'aurais pu... Te serais-tu lassé ? Vers d'autres aurais-tu porté ton attention et m'aurais-tu délaissé ? En me refusant à toi, j'étais certain que tu me convoitais encore, que tu te tentais toujours de resserrer sur moi ton emprise... Je la déjouais pour que tu ne puisses que mieux recommencer. » Il se mordait la lèvre inférieure puis se décida à manger. Il est épuisé et n'aspirait qu'au repos. Il était persuadé qu'Howard en rêvait autant que lui et pourtant, cette conversation était primordiale. Deuxième tentative pour se relever, cette fois, couronnée de succès. Il fallait dire que même si ses muscles hurlaient après la torture, il s'était montré plus prudent dans ses mouvements. Assis sur la stèle, il lui faisait dos et baissait la tête. Lorsqu'il reprit la parole, sa voix chevrotait très faiblement. « Mais j'ai eu tord. Ça n'a rien changé... Ça ne t'a pas empêché de partir, m'abandonner... Qu'avaient alors ces autres à Crimson Peak que je ne pouvais te donner ? » Peut-être comprendrait-il mieux si sa demande étaient mise en contexte ? Peut-être serait-ce plus explicite pour son aîné ? Il ne comprenait pas ce choix d'être revenu ici, d'avoir préféré tout les êtres de cette ville à lui. N'aurait-il pas pu rester avec lui, à l'écart de cette ville ? « Howard, ne l'as-tu pas vu ? Ce n'est pas ta mort qui me terrorise. » Il en aurait eu cure si elle n'avait pas été synonyme de séparation irrémédiable. Plus que toute douleur, celle qui l'aurait réduit à l'état de poussière aurait été de le perdre, qu'il s'éloigne de lui à nouveau. Il n'était plus rien sans lui, il n'existait qu'à travers son aîné. Il y trouvait un confort certain dans lequel il se projetait corps et âme. Il se redressa, se tint sur ses jambes d'un pas lent, silencieux, il saisit ses vêtements au sol et les enfila un à un, jusqu'à lacer ses boots, assis sur une chaise. Il avait tout de suite bien plus chaud et perdrait progressivement sa teinte bleuie. « C'est que tu me délaisses. Que d'autres captivent d'avantage ton intérêt que moi, que, si tu aies à choisir entre un autre et ton frère, tu me tournes le dos. Je suis ta famille, mais Lydia ne l'est-elle pas également ? Médée que tu chéris comme une mère ne l'est-elle pas indirectement ? Ne les aimes-tu pas ? Le pouvoir, le savoir, la domination... n'apprécies-tu pas ? » Soupir long, las. Il calmait sa jalousie avant qu'elle ne déborde avant de reprendre : « Oublie ma réclamation, tu as raison. Je ne saurais te suffire. C'était égoïste de ma part... Mais entends ma terreur, Howard. Entends-la, je t'en supplie. Ma tour d'ivoire est tombée en ruine à l'instant même où tu es parti.  » Il prit la canne de son frère et vint la lui apporter, il en aurait grandement besoin pour rentrer. « Ne m'as-tu donc pas entendu hurler pour croire encore à un mensonge de ma part ? Comment le peux-tu ? Je prends bien en compte le caractère atypique de cette nuit, qu'elle a amplement de quoi te... Bouleverser. Mais par pitié, Howard, je t'en prie : cesse de me prendre pour un menteur, ça en devient blessant. Je n'ai même pas envie de feinter le moindre simulacre. » Il tendit une main vers lui, de magie concentrée, répartissant de façon égale sur le corps de son aîné une poussée d'Archimède qui saurait le soulager d'une partie de son poids. Il le retenait, le soutenait. Qu'il s'habitue donc à son aide, ravale sa fierté et s'en accommode, Morghann ne le laisserait plus boiter et souffrir sans intervenir.

« Je regrette t'avoir repoussé. Ça n'a eu aucune utilité. Ça n'a pas entravé ton départ. Je regrette et j'y mets un terme. Je rattraperai le temps perdu, je t'en fais le serment. » Il glissa sa main dans celle libre de son aîné et l'étreignit. « J'espère ne pas faire fausse route et courir à ma perte. Je m'en remets à toi. » Ses yeux fixaient leurs mains étreintes avant de planter son regard dans celui de son jumeau, déterminé et soumis à la fois. Ses prunelles le suppliaient de ne pas l'abandonner pour rien ni personne : Howard le savait, Morghann ne s'en relèverait pas. « Rentrons ?»
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Howard Meyrick

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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptyMar 15 Sep - 23:25


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“SI LA LIBERTÉ GRISE, LA FAMILLE RASSURE.”

Il ne s'était pas imaginé qu'ainsi, son frère réagirait. Il ne s'était pas attendu à le voir se redresser, moins encore à ce qu'il se saisisse de lui et se mette à feuler. Il ne pouvait alors que sursauter. Incapable de reculer, de réagir suffisamment rapidement pour lui échapper, encore moins sachant que cela le blesserait, il fut donc contraint de se laisser accrocher et.. admonester ? Là, c'était un peu trop ironique pour qu'il s'en amuse, ou peut-être était-ce simplement qu'il était trop occupé à tenter de ne pas s'étouffer d'outrage pour le remarquer. Il était tellement centré sur ce que lui voyait, expérimentait et ressentait qu'il ne pouvait pas, sur l'instant, et peut-être même définitivement, comprendre ce qui heurtait Morghann. Pour lui, le voir se récrier ainsi et se surprendre du fait qu'il puisse de lui doutait était la preuve d'une profonde mauvaise foi, ou tout du moins d'une manifestation supplémentaire de son côté ingrat. En particulier après qu'il l'ait aidé en travaillant contre tous les principes qu'il défendait. Était-ce si incompréhensible de le voir se méfier et se questionner ? Lui avait-il réellement juré servilité ? Ou avait-il simplement joué sur les mots et sur sa satiété ? Et qu'est-ce qui lui disait que ce qu'il lui hurlait durerait ? Aveuglé par son pessimisme et sa suspicion, il ne parvenait pas à se défaire de ses doutes, qui, dans son esprit, semblaient parfaitement justifiés et qui peignaient sur son faciès une expression fermée et revêche, une fois la surprise passée. Il l'aurait volontiers rudoyer, aurait pu aboyer… mais il fut hélas contraint de se taire, chique coupée en le voyant se pâmer.

Allons bon… Voilà quelque chose dont il aurait dû se méfier, après ce qu'il avait enduré. Heureusement que personne n'avait vu cela, ou il aurait eu bien du mal à ne pas se sentir humilié de sa propre bêtise écervelée. Lui, médecin reconnu et complimenté qui oubliait les impondérables basiques d'un patient anémié. Honte à lui. Honte également de ne pas se sentir plus concerné que cela, alors qu'il s'agissait, pourtant, de son frère bien aimé… Mais il fallait bien dire que, là, il ne risquait pas grand-chose de plus, après ce qu'il lui avait infligé. Il le retint juste ce qu'il fallait pour que sa tête ne s'en aille pas contre la pierre cogner. Librement dans l'intimité du tombeau, il s'abandonna aux réactions bien plus humaines que celles qu'il affichait au regard du monde extérieur, et ses traits se crispèrent avant de se détendre, tandis qu'il roulait des yeux, bouche s'entre ouvrant sur un soupire lourd qui affaissa légèrement son corps avant qu'elles ne se ferment en un pincement réprobateur et d'une amertume passagère et blasée. Il laissa sa tête s'abaisser, comme une poupée aux fils coupés, et attendit un bref instant avant de se redresser péniblement, soulevant d'abord sa jambe valide, laissant tout son poids sur la roche reposer, se tirant vers l'avant pour se courber au-dessus de son frère avant d'effectuer un mouvement de balancier qui lui permit de se tenir à nouveau droit même s'il grimaça. Décidément, l'humidité lui déplaisait. Il allait devoir trouver un système pour rendre les lieux moins frisquets.

Conscient qu'il faudrait plusieurs minutes à son frère pour émerger, il en profita pour s'éloigner, sortir de quoi le restaurer et se passer un autre linge immaculé sur le visage. Les idées rafraîchies, il revint, alors qu'il se réveillait, bien décidé à poursuivre sa diatribe jusqu'au bout, autant qu'achever de le nettoyer.

***

A sa voix éraillée, quémandeuse de denrées, il répondit par l'affirmative, pas assez irrité pour lui refuser sa pitance en forme de vengeance. Il s'arrêta, claudiqua jusqu'à la panière qu'il avait tiré de son confinement, à l'abri de l'humidité, et la lui tandis, pour qu'il puisse se rassasier. Ce n'était hélas pas beaucoup, pas un repas complet, et certainement pas à son goût, bien moins agaçant que le sien, bien moins étriqué. Mais ce serait déjà quelque chose, et cela lui permettrait de se sustenter pour apaiser quelque peu la perte de sang. Bien évidement, il aurait pu lui donner un coup de pouce par un baume ou quelque autre moyen occulte mais il s'y refusait… en appeler à la magie à tord et à travers allait à l'encontre de la ligne de conduite qu'il se dictait depuis quelques années et brisait ses efforts de discipline. Il ne pouvait le tolérer, pas même pour son frère. Parfois, mieux valait laisser la nature faire. Arrivé à la fin de sa tirade, de son monologue plein d'amertume, il l'observa, le laissant manger, conservant un silence mitigé. Il ne pouvait nier que le voir aussi affaiblis titillait sa fibre protectrice, mais pour autant, il n'oubliait pas ses paroles et l'incompréhension qu'elles avaient apportés. Il attendait. Morghann serait bien forcé de parler, de s'expliquer, à un moment ou un autre. A bien y réfléchir, il se refusait à le laisser repartir sans qu'il se soit effectivement démystifié.

Ce qu'il fit. Un bref instant il fut profondément tenté de lui couper la parole et de l'agresser, le soumettre et le réduire au silence, mais il se retint et se fustigea. Voilà bien une réaction qui ne lui seyait pas. Lui qui déclamait sa famille, la rejetait pour son besoin de domination étriqué, pour sa tyrannie silencieuse, pour sa poigne de fer qui n'admettait aucune nouveauté… Oui, lui qui se voulait acteur du changement et de la liberté leur ressemblait plus qu'il n'osait le cauchemarder, et en cette journée, il y était rudement confronté. Autant le dire sincèrement, il se le prenait même en pleine figure, avec élan et intérêts. Et cela lui laissait un goût de fiel sur le palais. Ce nouvel éclairage seul parvenait à le museler et à l'ébranler suffisamment pour qu'il consente à laisser sa poigne se desserrer, et à l'écouter jusqu'au bout, à considérer ce qu'il voulait lui confier. Il le lui devait bien, en fin de compte. Il le lui devait oui, mais il se le devait aussi à lui-même… ou alors il aurait vraiment été comme son père, comme sa mère… il aurait  alors embrassé ce qu'il détestait, sans parvenir à comprendre que même en en ayant conscience, c'était ce qu'il faisait. Non, en l'instant il s'en aveuglait, il se persuadait que la main qu'à Morghann il tendait l'affranchissait et l'absolvait de cette néfaste influence.

Il écoutait… et avec surprise, se prenait à comprendre intérieurement son raisonnement, même si jamais il n'accepterait de l'admettre à voix haute. Il l'enterrait, même en son esprit, bien que cela s'avère profondément malaisé et d'autant plus en raison de l'interlocuteur qui les lui transmettait. Pourtant il essayait, tentant de se convaincre de conserver son ire et sa nervosité, uniquement pour se découvrir de nouveau entrain d'examiner ses paroles avec une attention pleine d'acceptation. Il se détestait ! N'avait-il aucun contrôle sur son propre intellect ?! Réprimant un grondement sur une inspiration longue et posée, il s'apprêtait une nouvelle fois à répondre lorsque Morghann à nouveau le coupa. L'air quitta ses poumons, par la lassitude chassé, et il se laissa s'asseoir un instant sur l'autel délaissé, se massant l'arrête du nez. Cette fois, la fatigue prélevait profondément son dû et il ne se sentait pas la force de répliquer, de continuer de débattre… ce n'était, de toute façon, pas le moment, autant parce que ses mots ne porteraient pas comme ils le pourraient, mais tout simplement parce qu'il n'avait plus la clarté de pensée nécessaire à appuyer parfaitement ses avis, ce qui risquait fatalement de le desservir. Et puis Morghann… oui, sans doute méritait-il son repos. Se relevant finalement, sa main étreignant. « Rentrons, nous aurons tout le temps pour reparler de tout cela » Une demi-victoire pour chacun sans doute. Il n'avait jamais su perdre, et ne saurait sans doute jamais vraiment. Il lui fallait au moins un lambeau de satisfaction.

Et s'en était un, une concession et une acceptation, celle de ce que Morghann offrait, car ainsi il l'enfermait dans sa volonté. Ils y reviendraient, quand il le déciderait, et s'il ne le faisait à présent, c'était par lui uniquement, se refusant à avouer qu'il était toucher par la lueur dans le regard de son cadet. Sans doute même inconscient qu'elle le guidait. Il accepta son aide, parce qu'il se sentait proprement incapable de faire le chemin inverse sans cela, et que ce chemin, ils se devaient de l'accomplir. Se soutenant mutuellement, ils avancèrent, le tombeau quittèrent et au travers du cimetière cheminèrent, peinèrent jusqu'à un passage secret. Les marches furent malaisées, même avec l'aide de son frère, il trébucha plus d'une fois, sa jambe ne se soulevant pas comme elle le devrait, son pied tapant sur la surface froide de la pierre taillée… Il grimaçait, mais ses lèvres restaient closes, sur un sourire figé, ne voulant pas avouer combien chaque pas lui coûtait. La volée d'escalier résonnait, les sons se répercutant sur la pierre, intensifiant les bruits qu'ils produisaient, leurs souffles semblant s'alourdir et leurs êtres en fantasmes se muer. Des fantasmes harassés, pourtant, tant l'un que l'autre. Dormir ne pourrait leur faire de mal. C'était d'ailleurs bien ce qu'il se décida à faire dès qu'ils parvinrent enfin dans ses propres appartements.  

Là, il obligea plus ou moins Morghann à se coucher, sa maniaquerie lui grognant à peine de retirer ses chaussures. Le reste, il devrait le tolérer. Lui-même fit l'effort de ne pas se laisser sur lui tomber, et s'installa dans un fauteuil qu'il conservait tout proche, se permettant d'émettre un léger son de soulagement avant de fondre dans l'assise, sa jambe étendue à demie. « Verrouille la porte » souffla-t-il. Son frère aimait la télékinésie, non ? Qu'il se rende encore utile, pour cette fois il n'avait simplement plus le coeur à s'en passer. Ses yeux de sang injectés, rougis par la fatigue, parcoururent la pièce, s'arrêtèrent sur la table de chevet où traînait, incongru, un paquet d'ours en guimauve chocolatée. Il tendit la main, léthargique, attrapa le paquet qui se froissa avec un petit bruit… et le terrible nécromancien qu'il était se laissa lourdement retomber au fond de son fauteuil, sans la moindre dignité, piquant des ours qu'il décapitait, les croquant en deux fois pour les faire durer. Son frère s'endormit rapidement, et il lui dédia un regard désillusionné et sensiblement sceptique, enfourna un dernier ours puis piqua du nez sur le fond de la poche quasiment vide. Nouveau soupire, presque désespéré. Il allait devoir en racheter et les dissimuler… ou alors ordonner à son frère de les lui apporter. Oui… de lui se serait tout de suite moins suspect.

Reposant finalement le paquet, il posa la tête sur le dossier et se laissa sombrer, bercer par une étrange voix d'outre-tombe, qu'il ne reconnaissait pas, et qui n'était pas partie de ses affidés. La nuit ne fut pas des plus aisées, ni des plus confortables… Avec des courbatures et un manque soutient pour sa patte folle, il se réveilla plusieurs fois, perclus de douleurs aiguës qui le tendait, le faisait grimacer….Pourtant, il refusa de quitter le chevet de son frère. Du moins jusqu'à ce que le jour commence à poindre et qu'on vienne s'enquérir de lui. Ses ordres furent strictes et lapidaires, et il referma bien vite, ayant fait en sorte de dissimuler le reste de la pièce au regard étranger. Alors seulement s'autorisa-t-il à quitter un moment Morghann pour aller se rendre visage humain et décent, s'offrir au moins le confort de la propreté à défaut de celui de la paix. Lorsqu'il revint dans la chambre, il accorda un regard encore épuisé qu'il fit passé pour simplement sévère à son frère, et se servit un verre d'eau, dans lequel il dilua sa dose quotidienne, et pour cette fois renforcée, de calmant. Soupirant sur la dernière gorgée, verre dans sa main serré, il laissa sa tête en arrière retomber et vogua un bref instant dans le silence avant de revenir à l'instant présent, ne pouvant que difficilement s'accorder ce à quoi, en cet instant, il aspirait…

« Alors, comment te sens-tu ? » Après ce qu'il lui avait fait subir et même s'il avait prit grand soin de ne pas attenter à sa vie, mieux valait rester prudent.
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MessageSujet: Re: You are me - Morghann   You are me - Morghann EmptySam 19 Sep - 13:24

Pour être honnête, il était satisfait que son aîné remette cela à plus tard. Il n'aurait su accepter d'autres propos aussi blessants que ceux qu'il avait déjà encaissé, pas dans son état. Dans un même temps, il avait été le dernier à exposer ses sentiments, c'était d'Howard qu'il attendait une réplique, elle ne viendrait que plus tardivement, lorsque son frère aurait eu le temps d'y réfléchir, de la ruminer. Peut-être était-ce alors pire que de l'entendre là et maintenant. Il n'avait ni la position ni la force de s'opposer, de lui réclamer une réplique immédiate. Non, c'était la volonté de son maître et il l'exécuterait. Il laissa longuement son regard d'obsidienne se noyer dans le sien avant d'acquiescer d'un vif signe de la tête. De plus forte magie encore, il soutenait son frère, même si cela lui coûtait énormément. Le chemin jusqu'au château fut un calvaire, pire encore, les marches furent un enfer sur terre, arraché aux tréfonds pour les opposer à son frère. Arrivés, traînés, dans la chambre, il n'avait qu'une hâte : s’effondrer. Il ôta ses chaussures boueuses, son pantalon et sa chemise salis durant la nuit : même si son frère l'avait nettoyé, le sang avait de nouveau perlé, de fleurs ambrées mêlées, celles de la cicatrisation en cours. Il s'effondra dans le lit, dans un grognement d'épuisement. A l'ordre de son frère, il releva mollement la main pour agir. Au clic annonciateur de réussite, la main s'écroula, morte, pendant dans le vide, hors du lit.

Il ne s'éveilla pas aux rayons du soleil, peut enclin à donner raison à l'astre du jour. Il voulait dormir ! Ses muscles étaient endoloris comme au lendemain d'un séance de sport intensive sans échauffement ni étirement. C'était à se demander ce qu'il avait bien pu faire la nuit dernière et en conclure que son jumeau l'avait bien épuisé.  Courbaturé, il n'osait bouger, tête enfouie dans l'oreiller, enroulé généreusement dans les draps blancs, l'air le plus ravi du monde au visage. Il était bien installé, il devait l'avouer. Il serait resté ici pendant des heures s'il la voix sèche de son aîné à l'encontre du domestique ne l'avait pas fait émerger de sa délicieuse léthargie et croyant que la réprimande était pour lui, il marmonna pâteusement un 'c'est pas moi, j'ai rien fait' très difficilement identifiable tant sa voix était étouffée par l'oreiller. Il avait l'air fier le nécromancien. Il se retourna, s'allongea sur le dos, ouvrit les yeux, scruta la pièce. Howard n'était pas là. Il poussa un soupir, se remémorant ce qui s'était passé la veille et regretta d'un avoir songé, en sortant avec une amère migraine. Il referma les yeux : cela passerait, juste quelques minutes de calme, à ne rien penser. Il vidait son esprit, respirait calmement, laissait son corps s’étouffer dans la couverture, le matelas moelleux et son oreiller confortable.

Vidé, il se redressa dans une grimace et laissa pendre ses jambes sur le bords du lits, les mains en appuis, bras tendus de chaque côté de son buste, tête baissée, yeux clos. Le réveil semblait difficile, la nuit avait été courte et les retrouvailles avec son jumeau mouvementées. Un vertige, puis il se sentit monter un haut-le-cœur, pas vraiment dans son assiette. Ses yeux d'un noir charbon fixèrent les cicatrices sur ses jambes, tâchant de dompter ses nausées, un sourire attendri orna ses lèvres. Il était satisfait de ces marques, presque fier, trace du passage d'Howard, sur lui son sceau gravé. Du bout des doigts il effleurait ces plaies encore fraîches. Si le sang ne coulait plus, la cicatrisation était encore très mince, fragile, petite peau translucide qu'il survolait avec une fascination presque dérangeante lors que son frère revint dans la chambre. Le cadet redressa son regard sur lui, silencieux, le contemplant avancer comme si la Vierge Marie venait de faire son apparition, comme s'il n'osait parler de peur de l’effrayer. Howard n'était pourtant du genre à partir en courant : il faudrait déjà qu'il puisse courir pour ça. Indépendamment de cet état de fait, ce n'était pas dans son caractère. Son sourire s'était envolé, laissant place à une expression d’expectative, prunelles interrogatrices et muettes à la fois. Il se heurta à sa sévérité affichée, en baissa les yeux lorsqu'il le vit prendre drogue et médicaments, et se sentit un instant coupable. Son aîné n'avait pas du avoir un repos de très bonne qualité à en juger par la dose qu'il s'octroyait, de calmant combiné.

Il serra les dents, envisagea de l'affronter, s'y engagea, prunelles soumise relevées vers lui, qui le surplombait. Il tendit une main vers son aîné pour l’attirer, l'amener à lui alors qu'on lui demandait comment il allait. Il passa ses bras autour de lui pour l'étreindre, cala l'une de ses joues contre son ventre. Yeux clos, il s'apaisait, sa respiration se faisait plus lente, en osmose. En paix, graciant la sévérité qu'il avait été contraint d'observer, il se sentait léger. Il ne pensait plus tant à ses courbatures, ni à l'angoisse de ce qu'Howard pourrait bien lui répliquer. Il se sentait juste : « Entier. » Mot qui à lui seul définissait ce qu'il le saisissait : il était entier, par son jumeau complété et il aurait pu rester des heures à l'étreindre de la sorte. Entier, même si tronqué de ses voix adorées, même si démuni, en son frère il trouvait la force d'avancer, protégé. Il ne sut dire s'il lui fallut quelques secondes, quelques minutes ou des heures entières pour émerger de ce cocon qu'il s’accaparait, écrin de douceur dans ce monde de brutes. Songeur, il caressait, dans le dos d'Howard, le creux des reins : « Pourquoi n'as-tu pas dormi avec moi ? Tu aurais été mieux installé... » souffla-t-il avant d'ajouter : « Ou dans mon lit à défaut... Je n'étais pas en danger. » Même s'il comprenait que son frère ait voulu veiller à son chevet. Intérieurement, même s'il s'agissait d'un reproche dans le fond, dans la forme, sa voix était si basse, son ton si respectueux que s'en paraissait être des remerciements. S'en étaient : il lui était reconnaissant même s'il aurait préféré qu'il se ménage. Il releva la tête, desserrant son étreinte sans pour autant le relâcher. Il ne voulait pas qu'il parte, mais si son frère le voulait, il ne saurait s'y opposer. « Je vais prendre une douche, je peux t'emprunter des vêtements ? » Les siens étaient sales et il ne savait ce qu'auraient pensé les domestiques et la famille Meyrick s'il l'avait vu sortir en boxer de la chambre de son aîné le corps barré de fraîches cicatrices.

Pour autant, il ne se défaisait de lui, trop bien ici pour vouloir se lever et s'éloigner, préférant graviter autour de son aimant vénéré. « Et maintenant ? » l'interrogea-t-il, bas. Maintenant, qu'allait-il advenir d'eux ? C'était sa volonté qu'il exécuterait.
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