elastic heart
If I cannot move heaven,
I will raise hell. La moto gronde sur la route, d’un véhicule nouvellement réparé et pas tout à fait prêt pour à nouveau côtoyer le bitume. Qu’importe. Quelques réparations de plus demain et elle ne paraitra plus comme une pièce de musée. Une nimbus trouvée dans une décharge, une carcasse splendide qui a nécessité des mois pour lui redonner un aspect clinquant et ça au détriment d’un job, du sien, des oui-mademoiselle-j’arrive. La nuit grogne et les ombres s’étendent sur la ville dans laquelle il traine son squelette depuis près de six cent années. Des lieux qui ont changé, des visages qui sont nés, d’autres crevés mais l’impression est la même – que rien, réellement, n’est différent. Immuable. L’enfer renvoyé sur Terre. Même en dessous c’était plus sympa – pour le peu dont il se souvient. La soirée est occupée par un ordre. D’un corps qu’il doit ramener, princesse qui a offensé la sienne. Règlement de compte et sanglante destinée. Un festin en prévision. Il sillonne la ville jusqu’à l’opéra. Lieu malade, sans aucun faste. Le peuple de la haute est déjà là, de tous ceux qui croient encore que l’opéra est pour la richesse, la noblesse terrassée – eux qui ne sont rien. Des cancrelats. Espèce inférieure. Islay s’échoue sur les marches, d’une clope et d’un zippo qu’il tient. Flammèche dans la nuit et la première bouffée est crachée avec extase. Après les corps, la carne sanglante, la cigarette est le troisième plaisir – en compétition avec un verre de scotch.
De celui qui s’approche, il ne remarque que l’impeccable, les plis absents, alors que ses vêtements à lui ne sont rien.
« Connard en costume » qu’il murmure entre les dents. Encore un pingouin de plus pour la cérémonie. Lui détonne avec ses vieilleries. Tissus dérobés aux quatre coins de la maison. Vieux cuir qu’il se refuse à quitter malgré les cinq qu’il possède. Ceux qu'elle lui achète et qu’il dénigre. Ce n’est qu’un regard vers celui qui s’avance, de trop prêt. Le poing qui se serre, prêt à cogner mais l’autre est plus vif et attrape le plaisir de la nuit. Sa fumée qui lui est crachée à la gueule. Raclure !
« Ma clope. Merci » Cigarette qu’il reprend de l'autre et écrase au sol. A l écœurement de reprendre ce qui a été souillé d'un autre. Un homme ! Islay n’a toujours pas rencontré les yeux. Ce n’est pas la peur de croiser, c’est l’habitude de la servitude, de ne jamais affronter ses maitres, de toujours incliner la tête. Déformation professionnelle qui s’exerce avec tout le monde. Un autre rouleau mortuaire qui s’échoue sur ses lèvres, la dernière du paquet. La soirée qui promet d’être longue.
« Vous devriez rejoindre votre princesse ca va commencer » De toutes les idiotes présentes, aucune ne ferait un repas. Des os. Et des rires dégueulasses. Pas de quoi donner envie.
« J'voudrais pas vous priver d'un décollement du tympan » L’opéra qui n’a pas son amour. Du souvenir d’avoir suivi ses maitres à quelques représentations, d’avoir subi les chants – hurlements plus exactement. Non. Plus jamais.
L’autre est toujours là et Islay se demande si il n’est pas sourd, ou peut-être juste idiot. A présent debout, il le dépasse de peu, mais c’est déjà ça. Vieille fierté chevaline que de menacer les inférieurs. L’ambre s’écrase au bleu et c’est lui qui fait un pas en arrière. La mémoire qui grésille, les informations qui se mélangent. Ce visage. Non et non. Pourtant, c’est la certitude de connaître, de savoir quelque chose. Mais les données sont absentes, verrouillées dans une chambre, cadenassés par la famille Mayfair.